Le premier roman de Virginie Despentes avait été un petit succès médiatique et avait réussi grâce à cela à sortir du milieu underground, auquel un livre de ce type est généralement cantonné, pour toucher un public plus large. Pour son premier film en tant que réalisatrice, Despentes décide d’adapter le livre qui l’a rendue célèbre. Mais contrairement à ce que l’on pourrait s’attendre pour une sortie cinéma, elle choisit de ne pas édulcorer son livre (à l’exception d’un passage montrant le meurtre d’un enfant qui a été supprimé).
Elle signe donc un film où la violence, la drogue et le sexe sont omniprésents. La version cinématographique de Baise-moi offre donc de multiples plans assez gores et des séquences de sexe non simulées et contenant des plans hard. De plus, la filiation avec le cinéma pornographique est renforcée par le choix de sa coréalisatrice (Coralie Trinh Thi, une actrice arrivant à alterner cinéma traditionnel et cinéma pornographique) et de ses comédiens (Karen Lancaume et Raffaella Anderson, qui viennent d’arrêter leurs carrières pornographiques, tiennent les rôles principaux mais on retrouve aussi les acteurs de ce genre Marc Barrow, Ian Scott, Titof, Zenza Raggi, Sebastian Barrio, Rodolphe Antrim et HPG), sans parler du nom de la société de distribution (Toute première fois). Virginie Despentes offre donc un film personnel et, ayant eu un parcours de vie assez particulier, celui-ci est inévitablement choquant d’un point de vue moral
(les passages où Manu reste froide face à son viol et où Nadine se prostitue occasionnellement font directement référence à la vie de l’écrivaine-réalisatrice)
.
Tout cela amène le film à être fauché (6 millions de francs) et à s’approcher du cinéma underground. On se retrouve donc avec une image vidéo, un jeu d’acteurs assez approximatif voire faux, des dialogues visiblement peu travaillés ou improvisés et un scénario parfois peu crédible
(la rencontre entre les deux "héroïnes")
et allant souvent dans l’excès. De plus, le film se réfère clairement à ce mouvement alternatif en utilisant un extrait de Seul contre tous de Gaspar Noé (film peu luxueux également mais qui ne peut pas être classé dans la même catégorie grâce au génie de son réalisateur) et à la présence dans un tout petit rôle de Jean-Louis Costes, artiste multicatégorie adepte du trash et de la provocation.
Cette vision où le mélange de sexe et de violence sont constants
(la séquence où Nadine couche avec le réceptionniste de l’hôtel pendant que Manu fait de même avec le gars rencontré dans le bar est le seul moment où le sexe n’est pas associé à la violence ou à l’humiliation, vu que la séquence où les "héroïnes" couchent avec les deux gars rencontrés dans un autre bar se termine par l’exclusion sèche d’un des deux garçons)
, où les "héroïnes" sont tueuses en série adeptes des drogues et où la morale est quasi-absente
(seule la fin se concluant avec une Manu abattue et une Nadine arrêtée en apporte un petit peu)
, se contente hélas uniquement de choquer à tout prix sans amener une quelconque qualité artistique. Toutefois, si le film est clairement assez mauvais d’un point de vue objectif, certains spectateurs, adepte de cinéma déviant, pourront trouver un petit intérêt face à lui par son aspect extrême, faisant peut-être de Baise-moi le film le plus underground qui ait pu être porté sur les écrans français traditionnels (grâce à une classification aux moins de 18 ans créée pour l’occasion suite à bataille juridique où le film avait été purement et simplement interdit de ceux-ci après la plainte de l’association d’extrême-droite Promouvoir).