Persona non grata est le remake d'un film brésilien, O Invasor, réalisé par Beto Brant et sorti en France en 2002. Pour son cinquième long métrage, Roschdy Zem a voulu mettre en scène un film noir car pour lui, il s'agit d'un genre cinématographique propice à raconter beaucoup de choses. Il explique : "Pour ne citer qu’un film que je considère comme un chef-d’oeuvre : 7H58, ce samedi-là de Sidney Lumet. On y est face à un miroir de nous-mêmes, face à ce qu’on espère ne pas être mais qu’on sait, au fond, être quand même un peu. Ce qui est passionnant, c’est raconter la bascule. Comment un homme ordinaire, a priori bien sous tous rapports, va prendre une décision, celle de commettre l’irréparable, basculer de l’autre côté, et voir sa vie totalement bouleversée. Je ne veux pas raconter la vie d’un gangster, mais ce que nous sommes ; raconter le fossé, pas si profond que cela, qui nous sépare des hors-la-loi. Que le spectateur se dise qu’il pourrait être cet homme-là."
Les personnages de José et Maxime ne sont pas des héros, mais Roschdy Zem voulait choisir des acteurs qui aient des "gueules de héros" selon ses propres termes. Le réalisateur souhaitait deux hommes séduisants qui, par leur seule présence à l’écran, séduisent les femmes comme les hommes. Il connaissait Nicolas Duvauchelle pour l’avoir dirigé dans Bodybuilder, mais a remarqué que sa maturité dans le travail avait passé un cap à travers sa composition dans Je ne suis pas un salaud. "Il a resserré son jeu, il est habité. José étant un rôle compliqué à interpréter, je savais qu’il était pour lui. Raphaël, je l’avais vu dans deux ou trois films et ce que j’aimais, c’était son image apparente de gendre idéal, parfaite pour incarner… un enculé, disons-le ! En plus, les deux se connaissaient et s’appréciaient, ce qui n’était pas négligeable", précise Zem.
Roschdy Zem voulait raconter un film noir dans une région très chaude, ensoleillée, comme le Languedoc-Roussillon. "Le contraste est saisissant. Si l’action s’était déroulée dans un endroit froid et pluvieux, cet assombrissement de l’image aurait paraphrasé le récit", explique le metteur en scène.
"C’est un « self-made man ». Il en est là où il est à force de travail et en veut plus. Mais pas à tout prix. C’est tout l’intérêt du film. Il commet l’irréparable et le regrette aussitôt. Il est victime d’une jalousie latente vis-à-vis de Maxime qui a tout mieux que lui. Il pense qu’il aurait peut-être eu droit à tout cela s’il était mieux né."
Roschdy Zem a fait le choix d'ouvrir son film avec la célèbre chanson "La Corrida" de Francis Cabrel. C’est, pour le cinéaste, la réponse à une question simple : qu’écoute Maxime quand il est en voiture ? "Cabrel, que j’aime beaucoup, s’est imposé. C’est populaire et ça nous parle tous. D’autant que les paroles de « La Corrida » correspondent à ce que j’ai envie qu’on retienne de mon film", confie-t-il.
Roschdy Zem incarne Moïse, qui est à la fois le crime et le châtiment des deux personnages ambitieux joués par Raphaël Personnaz et Nicolas Duvauchelle. Avec son scénariste attitré Olivier Gorce, il a pensé au mythe de Faust et à Méphistophélès : celui qui vient chercher l’âme de ceux qui ont fait appel à lui. "C’est pourquoi il a cet aspect sympathique, dépourvu de toute agressivité, jusqu’à être très premier degré. Quand il leur propose de les aider, il est sincère, ce qui le rend encore plus déroutant. Et il est tout aussi sincère quand il tombe amoureux. Du coup, il est difficile à cerner. Et anxiogène. On sent que le gars est capable de tout, mais il demande toujours avec le sourire. Face à un gars comme ça, la faiblesse de l’homme ressort encore plus", précise le cinéaste.
Roschdy Zem avait déjà joué aux côtés de Nicolas Duvauchelle dans Happy Few (2010) et l'avait fait tourner dans Bodybuilder (2014), son troisième long métrage dans lequel il jouait aussi. Prochainement, Zem et Hafsia Herzi seront tous les deux à l'affiche du biopic Madame Claude.
"Comme José, c’est un personnage ancré dans son époque. Les deux se sentent écrasés, pas reconnus à leur juste valeur, bourrés d’ambition – trop matérialiste, hélas ! Ils essaient de s’en sortir, tout en se mettant une pression inhérente à la société actuelle, avec une inextinguible soif de réussite. Ce n’est pas souligné, mais on sent bien par exemple, à travers les rapports de Maxime avec sa fille, qu’il veut le meilleur pour sa famille. Il a réglé sa vie comme on achalande une vitrine. À un moment, il parle un peu de ses parents qui sont partis en vrille : son père a sombré dans le jeu et l’alcool, ce qui a tué sa mère… Il ne veut pas être cet homme-là. Il veut tellement être parfait qu’aveuglé par son désir de gagner, il va choisir une mauvaise voie. Il avait trois solutions : soit il continue comme ça, à gagner sa vie et à subir, soit il change de boîte et repart à zéro, soit il mord le trait."