Avec Les Fauves, Vincent Mariette voulait essayer de reconstituer un ressenti qu'il avait lorsqu'il était adolescent et qu'il allait faire du camping avec ses amis, en Dordogne. Le metteur en scène se rappelle : "Je me souviens de ma volonté, à l’époque, de vivre quelque chose de romanesque qui n’advenait pas. Et puis il y avait aussi le désir de filmer une fille... J’avais envie d’une histoire qui se déroule dans la tête d’une jeune fille, aussi bien du point de vue du récit que de la mise en scène. Dans le film, tout passe par le prisme de Laura, un prisme un peu déformé par les tourments qui l’assaillent au cours du récit. Les Fauves est son roman d’apprentissage, avec le danger comme moteur existentiel. C’est ça qui m’excitait... Ensuite, je me suis dit qu’à partir du moment où j’étais dans sa tête, je pouvais tout me permettre et m’amuser, aussi bien thématiquement que formellement. C’est à ce moment-là que se sont agrégées ces histoires de rumeur et d’un animal mythique qui terrorise une région... En fait, je voulais ramener un peu de mythologie dans la tête de cette jeune fille."
Laurent Lafitte, qui était déjà à l'affiche de Tristesse Club de Vincent Mariette, son premier et précédent long métrage, enchaîne depuis quelques années les thrillers à un rythme impressionnant : avant Les Fauves, l'acteur était ainsi au casting de L'Heure de la sortie (2018), Paul Sanchez est revenu (id.) K.O. (2017) et Elle (2016).
Au début de son processus d'écriture, Les Fauves fut d’abord un film choral, constitué de trois histoires entremêlées, comme autant de façon d’aborder et de négocier avec la rumeur de la panthère. Il y avait déjà l’histoire de Laura et Paul. Une autre intrigue tournait autour d’un personnage croyant dur comme fer à l’existence de la panthère et qui décide de la chasser. Ce personnage, Vincent, est resté dans la version finale mais dans une forme beaucoup plus réduite. Il y avait enfin une troisième histoire tournant autour de la paranoïa d’une femme, intimement convaincue que la rumeur de la panthère sert à justifier un certain nombre de disparitions louches. C’est d’ailleurs avec cette version chorale que Vincent Mariette a obtenu l’Avance sur recettes du CNC.
Vincent Mariette a décidé de réduire le scénario et d’abandonner, en partie, cette forme chorale. Il confie : "La première raison c’est que le scénario, tel quel, ne fonctionnait pas parfaitement. Je voulais faire mon Pulp Fiction mais il y avait quelque chose de bancal dans la structure générale. Ensuite, lorsque nous avons commencé à démarcher des comédiens, je me suis rendu compte que, à moins d’être Alain Resnais, aucun acteur n’accepte de venir sur trente pages de dialogues. J’ai donc réalisé que, même d’un point de vue pratique, je n’arriverais pas à faire le film. Il fallait que je trouve un autre axe, une autre manière de raconter ce que je voulais. J’ai donc sorti l’histoire qui m’intéressait le plus, celle de Laura et de cet écrivain mystérieux, et j’ai réfléchi et galéré pendant six mois avant de trouver la solution. J’ai alors tout réécrit en deux semaines."
Avec Les Fauves, Lily-Rose Depp trouve son premier rôle principal au cinéma. Lorsqu'il a écrit le personnage de Laura, Vincent Mariette avait en tête la comédienne américaine Christina Ricci quand elle avait dix-sept ans. "À l’époque, j’étais amoureux d’elle, je me souviens être très envieux de Edward Furlong qui sont son petit copain dans Pecker de John Waters. Et puis quand j’ai vu Planetarium de Rebecca Zlotowski, j’ai découvert Lily-Rose Depp dont le visage a, je trouve, des points de convergence avec celui de Christina Ricci. Même teint diaphane, même front un peu bombé, quelque chose de décidé et en même temps flottant dans le regard... J’arrivais à imaginer le personnage de Laura sous les traits de Lily-Rose. C’était ma Cristina Ricci", se rappelle-t-il.
Les Fauves a été tourné intégralement en Dordogne. Vincent Mariette connaissait tous les endroits où il a choisi de poser sa caméra. Ses grand-parents étaient originaires de cette région et le metteur en scène a cherché à reproduire des impressions qu'il a avait lorsqu'il était enfant. "J’ai essayé de me réapproprier ces lieux où je n’étais pas allé depuis longtemps", précise-t-il.
Lorsqu’il avait encore une forme chorale, le film s'appelait "Les Jours du puma". "J’avais aussi songé à l’appeler « Fauves », tout simplement, mais la confusion risquait de se faire avec un groupe de rock bordelais nihilo-dépressif", précise Vincent Mariette.
Côté références visuelles, Vincent Mariette avait un moodboard constitué d’à peu près 200 images : des photogrammes de films, des photos, des planches de bande-dessinée de Charles Burns, etc. Le réalisateur explique : "On retrouvait The Swimmer, les films de David Robert Mitchell, dont son premier, The Myth of American Sleepover, Outisiders de Coppola pour une scène précise. Il y avait aussi pas mal de photos de Jon Rafman, un canadien qui cherche sur Google Streetview des moments étranges, voire carrément flippant. Il y a, par exemple, la photo d’un tigre sur le parking d’un supermarché. J’ai aussi montré à Camille Cottin cette autre scène de Mulholland Drive dans lequel un mafieux joué par Angelo Badalamenti recrache son café avec une lenteur terrifiante. Je voulais qu’elle s’en inspire pour la scène où elle recrache son mojito, mais dans une direction plus comique."
Vincent Mariette a travaillé la musique du film avec deux musiciens russes, Evgueni et Sacha Galperine. Le cinéaste avait deux références pour la bande-originale et le sound design dont il leur a parlé. La première était Under the Skin, qu'il a par ailleurs aussi montré à Lily-Rose Depp pour la question du rapport marginal qu’entretient son personnage au monde qui l’entoure. Il se souvient :
"J’avais trouvé que le travail sur le sound design du film était passionnant, notamment dans sa capacité à rendre compte de l’univers mental du personnage joué par Scarlett Johannson. La seconde était la musique qu’avait composé Johnny Greenwood pour Inherent Vice, c’est à dire quelque chose de mélo dieux, mais néanmoins un peu tordu. Evgueni et Sacha avaient travaillé pour Andrey Zvyagintsev sur Loveless, j’étais très honoré qu’ils acceptent de bosser avec moi. Et je suis très content de ce qu’ils ont fait, leur composition arrive, je trouve, à naviguer entre le thriller, des thèmes plus teen, mais aussi quelques morceaux allant chercher du côté du merveilleux."