“Avant, je me disais que ma vie était une tragédie. Je me rends compte que c’est une comédie.” Joker
Il y a des comédiens dont les métamorphoses physiques forcent le respect bien au-delà de leurs performances d’acteurs. On se souvient entre autres de Robert De Niro dans le percutant et magnifique “Raging Bull” de Martin Scorsese, Matthew McConaughey dans le drame “Dallas Buyers Club” ou encore Charlize Theron dans le thriller “Monster”. Mais au détour d’une scène de “The Joker” de Todd Phillips, une contre-plongée nous dévoile le dos nu, décharné et voûté, d’un Joaquin Phoenix tout en maigreur, une silhouette famélique, rappelant celle de Christian Bale dans le paranoïaque “The Machinist” de Brad Anderson. “The Machinist” et “Joker”, deux films différents certes (loin de moi l’idée de comparer les deux long-métrages), mais deux personnages empreints d’une sombre mélancolie et d’une folie sous-jacente ! Avec “Joker”, Todd Phillips nous présente sa vision de Gotham City (l’apparition furtive de l’affiche du film “Wolfen” au détour d’une scène situera le récit au début des années 80). La ville est en proie à une déliquescence sociale inéluctable. Sous fond de grève des éboueurs, les ordures s’entassent dans les rues et des “super-rats” envahissent les trottoirs, comme le clament haut et fort les flash info, et le Late Show du cynique Murray Franklin (Robert De Niro), l’animateur star de la ville. La cité s’enfonce inexorablement dans le chaos, entraînant avec elle, les laissés-pour-compte. Briguant le mandat de maire, le magnat financier Thomas Wayne se pose en sauveur, mais le réalisateur nous le présente cette fois-ci comme un être froid, manichéen et manipulateur, bien loin de l’imaginaire collectif, d’un Wayne Philanthrope ! C’est dans ce contexte que nous apparaît sous les traits d’un clown de rue, un certain Arthur Fleck (Joaquin Phoenix). Sous ses oripeaux colorés et son maquillage, se dissimule en réalité, un être fragile, un homme en proie à des crises de fou rire perturbantes (une sorte de syndrome de Gille de La Tourette), liées à des troubles psychologiques. Durant 2h00, à travers un incroyable brûlot politique, Todd Phillips en appel au soulèvement des masses contre les inégalités et par là même, nous interroge sur notre propre société. Étriqué dans un décorum de “Vigilante Movie”, (la vengeance y est omniprésente), et à travers le jeu hallucinant, voire halluciné de Joaquin “Joker” Phoenix, Todd Phillips filme la genèse du mal, un mal insidieux, nourrit par la peur, la frustration, la maltraitance et l’abandon. Ce “Joker” (2019) est sans nul doute le “Very Bad Trip” de l’année !