Un joker pour une adaptation audacieuse ; un joker pour une prouesse d'acteurs ; un joker pour un climat opprimant et abondant ; un joker pour dire merde à la bienséance ; un joker pour une histoire oppressante ; un joker pour un super-vilain super vivant ; un joker pour plus de crudité... ; un joker pour une chouette bande originale ; un joker pour ressortir bouleversé de la salle de cinéma. C'est en papillonnant l'échec inattendu du second chapitre que "Ca" que Mr Todd Philips ("Very Bad Trip") que nous fait ces neuf cadeaux avec une réadaptation du mythe du "Joker", tournée avec un budget raisonnable par rapport blockbusters récents, et ouvrant la voix aux films dédiés aux "super-vilains". Arthur Fleck (Joaquin Phoenix), pauvre garçon dédiant sa vie désespérément aux numéros clownesques, vit seul avec sa mère (Frances Conroy), diminuée et privée de sociabilité. Handicapé, victime de tribus de tortionnaires grouillant au coeur de Gotham City, mis à l'écart par ses congénères, il ne peut compter que sur son ambition de faire rire, à défaut de pouvoir s'arrêter de rire sous peine de brimades. Par le biais de sa voisine (Zazie Beetz), il fait la connaissance d'une animateur TV (Robert DeNiro), acceptant de le produire et de faire de lui un objet de divertissement. Peut-on devenir un homme lorsqu'on est resté toute sa vie un pauvre môme à qui personne ne tend la main ? Le rire est-il l'essence d'Arthur ou qu'une illusion? Erreur monumentale que d'avoir vanté ce film comme le "film de super-héros" impromptu de l'année, car il est bien plus que cela. "Joker" est un thriller psychologique criant de vérité, renvoyant aux effrois les plus profonds de l'Homme, ajoutés au sein d'un société morbide portée par hooligans et examinateurs en tout genre le privant de s'élever. A travers un montage moins conventionnels que les aînés du DCU, Philips entend explorer la psyché humaine et la mystique descente dans la folie, engendrée par la solitude et la différence. Ces deux thèmes, exploités sans avoir recours au pathos, sont à leur paroxysme puisque notre sujet se présente d'emblée comme une âme en perdition.
Humoriste raté, malade (riant aux éclats à la moindre sensation mouvante), Arthur Fleck deviendra le Joker par inspiration du présentateur Murray Franklin, profitant de sa candeur apparente pour alimenter son émission.
Le réalisateur n'hésite pas à prendre ses distances avec l'univers originel de Bob Kane (1939) pour démontrer comment l'antagoniste va se frotter à l'avenir à l'homme chauve-souris, résultant au devoir de se séparer de ses biens physique...
En l'occurrence, sa mère, finalement identifiée comme sa mère adoptive et dont la sûreté est plus qu'incertaine. A cette occurrence, le film prend le pas sur les émotions que "Batman Begins" essayait vainement de transmettre en révélant de fil en aiguille des secrets toujours plus âpres.
...et de sa conscience, corrompue par une destinée moribonde, une voix furibonde digne d'un travail Scorsesien ! Lentement mais sûrement, la construction de l'intrigue dévoile une ambiance glaciale au sein d'un monde à la dérive, une société où les classes sociales ressortent de trop par leur symétrie inébranlable, et où l'injustice n'est pas sans conséquences, vu précédemment chez Nolan. Porté par le charisme de Joaquin Phoenix au top de sa carrière, meilleure prestation du Joker sur grand écran, plus fou que jamais dans cette ambiance des plus malsaines, le film va mettre le doigt sur le côté sombre de l’œuvre graphique. Outre l'absence d'humour encombrant, on peut se surprendre à rire avec le "Jojo", cela dès l'incipit, suivant l'effroyable séquence de l'agression d'un pauvre clown innocent au premier abord. Dès lors, nous assistons à une descente aux enfers, en plein coeur de la folie du clown au physique monstrueux et aux faits et gestes enivrés. Avec ce brillant "Joker", Todd Phillips trouve le juste milieu entre sobriété, efficacité et maestria visuelle. Les prestations magistrales du Phoenix et de "Travis" DeNiro dont le personnage est désormais au point mort, sert la mirobolante retranscription du mythe par Todd Philips ayant réussi à s'élever au dessus d'un simple "Very Bad Trip". Il serait cracher dans la soupe que d'en demander plus ; bravo !