C'est d'abord une histoire de racines. Des personnages avec leurs passés, qui se retrouvent à l'occasion d'un mariage. Asghar Farhadi, réalisateur iranien, filme les corps dansants et marque la limite entre deux mondes : celui du bonheur et celui du malheur. Sa manière de faire restera constamment classique. Les histoires qu'il conte n'ont jamais été clientes d'un certain surnaturel, et ce sera aussi le cas pour ce nouveau film. Celui-ci use jusqu'à la corde de métaphores et d'allusions religieuses (croix du Christ dans de nombreuses scènes, personnage secondaire prônant la religion et le miracle sacré), tout en tentant de les cacher le plus possible aux yeux du public. C'est le seul mysticisme que s'autorisera le réalisateur. A part cela il n'y a pas grand chose à observer dans « Todos lo Saben ». Nous suivons les personnages avec leurs différents doutes, préoccupations et soucis, allons de désespoir en désespoir, et tentons de déceler avec eux le vrai du faux. Les acteurs sont bons, mais seraient encore meilleurs si le scénario avait su être manié avec plus d'émotion (en effet, on voit surtout les talents des deux acteurs principaux, Bardem et Cruz, dès lors qu'ils se retrouvent seuls dans une scène aussi puissante émotionnellement que bien filmée, à l'aube d'une révélation). La musique, bien qu'elle souhaite donner une ambiance tendue au film, est vite oubliable, tout comme certaines scènes, qui ne se permettent aucun artifice et qui les aurait pourtant sublimées. « Todos lo Saben » est donc un long-métrage que l'on contemple, mais dont l'on ne vit aucun ressort dramatique. Nous y sommes comme absents, privés d'une chose pourtant primordiale qui donne un ton et une saveur au film, c'est-à-dire l'émotion. Pas que l'on ne s'attache pas aux personnages, mais ces derniers sont trop vulgairement écrits, surtout les secondaires (ils ressemblent pour la plupart à des élastiques que l'on étirerait pour donner du poids au film, mais eux n'ont aucune substance). Et ne parlons pas du personnage de Bárbara Lennie, alias Bea et l'épouse de Bardem dans le film, qui devient soudainement un être au caractère imposant et plus proche de son business que de son mari. Rien ne la dédiait à cela. Aucune présentation qui la montrerait sous un autre jour, rien. C'est un peu trop facile comme issue de secours pour faire avancer le film. Malgré une base intéressante (mise en scène parfois fouillée, bonne représentation de l'Espagne malgré que le réalisateur y soit étranger, bons acteurs), le film prêche de par son scénario écrit trop au fil du rasoir : on ne nous laisse plus, à nous spectateurs, la possibilité de vivre l'œuvre, d'entrer dedans, alors nous ne faisons que l'effleurer, et ce durant les deux heures quinze qu'il dure. Quel bien triste constat.