Les Eblouis est un film fort, le premier film de Sarah Suco, qui raconte l'histoire d'une « famille ordinaire », les Lourmel, qui, en panne de sens dans son existence, choisit de refaire sa vie au sein d’une communauté chrétienne où l’on ne jure que par le partage, la joie et la dévotion. Progressivement, la communauté révèle son vrai visage : celui d’une secte qui impose sournoisement ses diktats religieux et ses règles liberticides. Si les parents, aveuglés par leur foi et leur confiance, acceptent de se soumettre, Camille, la fille aînée de la famille, 14 ans, rentre en conflit avec ses « maîtres » et, pour elle et pour ses petits frères, tente de sauver ce qui peut encore. Le pire est que Sarah Suco n’a rien inventé, elle a vécu avec sa famille près de dix ans dans une communauté de ce genre, elle retranscrit sans pathos ni surenchère le processus d’embrigadement et met en scène le combat de Camille, cette ado vivant un terrible conflit de loyauté entre son désir d’émancipation et sa fidélité à ses parents. Les communautés charismatiques de l’Emmanuel ou des Béatitudes ont voulu se démarquer du film , elles rappellent que des dérives sectaires ont malheureusement eu lieu au sein même de mouvements et communautés de l’Église Catholique mais ajoutent que les pratiques décrites dans le film restaient très minoritaires au sein même du renouveau charismatique catholique et que l’institution s’est dotée en 2013, d’une Cellule des dérives sectaires dans les communautés catholiques à l’instigation de la conférence des évêques de France, sensée réagir immédiatement en cas de nouvelle alerte.. On veut bien le croire… En attendant, Sarah Suco qui a affirmé sur les plateaux que tout ce qu’elle montre est bien en deçà de la réalité , a voulu réaliser là un film combatif, dirigeant avec maîtrise une brochette de comédiens impeccables, Jean-Pierre Daroussin que l’on attendait pas dans ce rôle du Berger à la suavité vénéneuse, une Camille Cottin transportée et habitée, Eric Caravaca en père un peu lâche et la révélation Céleste Brunnquell dans le rôle de Camille .Cette plongée au sein de ces talibans chrétiens (pas de tissus noirs, pas de contact avec la société extérieure, pas de musiques impies), le cirque, c’est l’abîme, la déchéance, la géhenne, suscite chez le spectateur successivement haine, compassion, dégoût, horreur , révolte, et donne à voir la réalité mal connue de ces sectes chrétiennes dites « charismatiques » Et ce film qui m’a beaucoup horripilé , reste bouleversant et quasiment d’utilité publique.