Film en partie autobiographique.
Sarah Suco, comédienne qui réalise là son premier film a tenu à expier ce passé de 10 ans dans une communauté religieuse. Son film est « d’après une histoire personnelle » mais c’est avant tout une fiction. Je prends note. Elle déclare dans un magazine : « Ce que j’ai vécu dans cette communauté pendant dix ans a été bien pire et bien plus intense. Si j’ai attendu autant pour le faire, c’est justement pour ne plus être dans la haine. » Cela part d’un bon sentiment, on ne fait rien de bon avec la haine. Pourquoi avoir évité « le pire » et « l’intense » dans son film ? « Croyez-moi, le film est en deçà de la réalité. » C’est bien dommage, et l’impression que j’avais à la fin du film me rassure, à savoir quoi en penser ? Voilà un film qui souligne quoi exactement ? S’il m’était difficile de rester indifférent aux différents discours tenus par le Berger, les parents et par le comportement de Camille, je me suis tenu souvent à distance. Le film a peut-être réussi son pari, me rendre aussi impuissant que Camille, que ses frère et soeur. Impuissant comme ses grands-parents. Impuissant comme Boris. Par contre, je peux vous assurer que j’étais très attentif aux discours insensés de la communauté. Je me pose la question suivante : si Sarah Suco dit que ce n’est pas un film à charge pourquoi rester en dessous de la réalité ? A quoi bon faire un film si c’est pour rester en surface ? La crainte de vexer ? d’amalgamer ? de blesser ? « … j’ai beaucoup lu, notamment sur les nouvelles sectes – les pires aujourd’hui, ce sont les nouvelles thérapies où, sous le couvert du développement personnel, on embrigade les gens. » « Pour moi, les mécanismes d’emprise commencent au sein de la famille. ». Justement, j’en veux plus ! J’aurais aimé en avoir davantage ! L’emprise des parents on la devinait déjà dès le début du film. J’aurais aimé savoir comment le Berger s’y est pris envers la mère de Camille soit-disant victime d’attouchements de son père. Je n’y ai pas cru parce que je ne crois pas en la parole du Berger (Jean-Pierre Darroussin) . Il aurait été intéressant de nous en dévoiler la mécanique du langage, de la manipulation. En terme de manipulation, on apprend que la famille de Camille a vendu son appartement pour alimenter les caisses de la communauté ; en terme de quotidien, la réalisatrice nous invite à rire aux cris de moutons proférés par les partisans pour annoncer l’arrivée du Berger ; quelques remontrances ici ou là ; quelques punitions. Ça reste supportable car Sarah Suco ne manque pas non plus de bienveillance ; ainsi, de nombreuses séquences nous apportent son lot de partage, de repas partagés, de don de soi pour accompagner les miséreux, les balades en forêt, les jeux, tout ça avec des sourires sincères. On a l’impression que Sarah Suco a voulu équilibrer la balance. Jouer l’objectivité. Comme pour l’Eglise catholique. Oui, bien sûr il y a des brebis galeuses, mais dans l’ensemble l’Eglise se comporte très bien. Ce que j’accepte volontiers avec l’Eglise, j’ai du mal à l’accepter avec les sectes ou communautés, peu importe. J’aurais aimé que Sarah Suco apporte plus de soin à l’embrigadement, et encore plus envers une famille qui est par nature, aisée, instruite, éduquée. C’est la raison pour laquelle, j’ai du mal à me situer avec son film. Le fait d’embrigader est une violence, peu importe si les geôliers prônent l’amour. Le fait que des parents entraînent leurs enfants dans une communauté laquelle décide qui voir qui ne pas voir est une violence faite à l’enfant et doit par conséquent être sanctionné par la loi. Au lieu de ça, la réalisatrice nous dit qu’il faut une faute bien plus grave que l’embrigadement : le viol d’un enfant. C’est vrai, l’enfant ne perçoit pas tout ça. Il vit en autarcie avec ses parents, il y a des chants, des jeux, des prières. L’angle de la réalisatrice c’est celui de Camille. A hauteur d’adolescent qui ne maîtrise pas tout. C’est aussi terrifiant. Cependant, ce que me propose Sarah Suco est frustrant.
Sans être pour autant ébloui, je suis séduit par la prestation de la jeune actrice Céleste Brunnquell qui porte en grande partie le film sur ses épaules.
Elle n’a pas hésité à se mettre à nue, à jouer une scène délicate et sa séquence au commissariat est poignante.
C’est une actrice à suivre. J’invite vraiment Sarah Suco a être plus audacieuse.
(Après quatre refus, j’ai pratiquement tout mis en spoiler ! Allociné et son ticket aléatoire modérateur !)