Issu du documentaire, Jonathan Nossiter, qui signait avec "Sunday" son premier film, semble avoir tiré de ce genre de cinéma la substantive moelle qui fait généralement défaut aux auteurs traditionnels de fiction, à savoir une acuité du regard sans fioritures. En dépit de ses aspects réalistes qui donnent à voir - tout en évitant habilement la complaisance - la misérable inanité du quartier du Queens où les lumières et buildings des milieux huppés brillent au loin comme autant de représentations désabusées et ironiques - car hors de portée - du rêve américain, le metteur en scène n'a pas oublié de pourvoir son film une dimension poétique forte où la forme et le fond se rejoignent pour former une imbrication saisissante d'admirables séquences au service d'une narration qui mêle, elle-même, réalité (fictive) et fiction.
David Suchet et Lisa Harrow, tous deux impressionnants de vérité, se livrent corps et âme à ce jeu de mensonge(s) consenti(s), cette méprise salutaire, seuls moyens pour ces deux laissés-pour-compte en quête de meilleurs lendemains, de conférer à leur pitoyable existence un semblant de romanesque palpitant, une porte de sortie inopinée à la vacuité permanante du Queens où tous les jours se résument à ce simple phonème : "Sunday" ou Dimanche, jour du néant. Signe que les coeurs battent très fort chez ces êtres de fiction perdus dans un amas de crasse et d'immondices, à mille lieues de l'Amérique idéalisée des studios hollywoodiens, souligné par la lumière poisseuse de Michael F. Barrow et John Foster. On en ressort remué. Et ça fait du bien.