Sans doute bien accaparé par ses séries "Kenny Powers" et "Vice Principals", Jody Hill n'avait pas signé de long-métrage depuis "Observe and Report" en 2009. Il fait donc son grand retour avec "My Deer Hunter Dad" coécrit avec son compère Danny McBride et dans lequel il embarque le décidément omniprésent Josh Brolin qui, après "Avengers: Infinity War", "Deadpool 2" et la suite de "Sicario", envahit aussi désormais Netflix en l'espace de quelques semaines -mais, ça, personne ne va s'en plaindre, loin de là même.
Buck Ferguson (Josh Brolin) est le Bear Grylls de la chasse aux cerfs. Animateur d'une émission à succès, le bonhomme passe son temps à liquider des cervidés aux quatre coins du monde avec son caméraman Don (Danny McBride) pour alimenter son show de nouvelles images toujours plus impressionnantes. Problème, sa passion pour la chasse lui a coûté sa famille il y a voilà deux ans. Depuis divorcé, il n'a que très peu revu son fils (Montana Jordan) qui vit avec sa mère (Carrie Coon) et son nouveau compagnon (Scoot McNairy) mais, aujourd'hui, Buck est bien décidé à le reconquérir en l'amenant tuer son premier cerf sous les yeux de la caméra de Don pour une émission spéciale père-fils...
Malgré un discours de fond finalement très innocent, "My Deer Hunter Dad" a pour première qualité d'être un film atypique où l'on ne sait jamais sur quel pied danser vu l'éventail de registres qu'il recouvre.
Après un démarrage misant sur le comique absurde des reportages rétro 80's de Buck, le film bifurque vers la comédie familiale lambda mais efficace où l'opposition entre l'homme des bois et son fils citadin devient le principal ressort humoristique. Néanmoins, quelque chose de plus se dessine : l'obnubilation naïve de Buck pour son show qu'il confond complètement avec la réalité, essayant de jouer à tout prix des échanges idéalisés avec son fils sur la transmission de son amour pour la chasse. Ça ne prendra évidemment pas comme il le souhaite et le long-métrage va à nouveau opérer un nouveau changement de terrain, cette fois plus dramatique, au fur et à mesure que les fêlures de Buck vont se révéler au grand jour. L'opposition comique père/fils sera toujours présente mais le personnage de Danny McBride va prendre peu à peu prendre la relève à ce niveau, laissant celui de Josh Brolin (encore dans un grand numéro) prendre une dimension plus épaisse quand sa vision simpliste des choses essentielles lui ait renvoyé en pleine figure devant une réalité qu'il préférait ignorer.
À ce moment du film, il y avait sans doute un plus gros coup à faire, après tout, Buck représente à lui seul tout ce pan d'une Amérique se renfermant dans ses illusions de retour à la nature à base de chasse et d'armes pour masquer ses failles et sa détresse mais le film se cantonnera à décrire uniquement celle de ce père et mari incapable de se remettre de voir sa famille lui échapper. Le dernier acte sera hélas plus bien classique avec l'inévitable point de rupture entre les trois héros avant une ultime épreuve (un peu facile) pour les forcer à tous se retrouver.
Mais il y aura néanmoins eu une constante durant tout le long-métrage, ce ton si naïf émanant de ce trio de bras cassés, où les adultes font plus figure de grands enfants bercées d'illusions dont ils ne veulent se défaire même si une bien plus cruelle réalité vient se confronter à eux. Ce caractère atypique dont on parlait en préambule aura déteint sur la totalité du film, parvenant à lui donner un point de vue singulier, voire touchant, sur un discours de rapprochement père-fils pourtant maintes fois rabâché.
Rien que pour ça, on espère revoir Jody Hill repasser très vite derrière la caméra pour de nouveaux longs-métrages plus conséquents. Il en a le potentiel, indéniablement.