Interdit de projection aux États-Unis du fait d’un litige avec Amazon, détenteur des droits du film outre-Atlantique, et de rumeurs diffamatoires concernant son contenu, Un jour de pluie à New-York peut néanmoins être programmé en Europe et vient enfin de sortir sur nos écrans. C’est d’autant plus réjouissant qu’il s’agit, sans nul doute, d’un grand cru. À 83 ans, malgré son impressionnante filmographie, à quoi s’ajoutent aujourd’hui l’accusation d’agression sexuelle dont il fait l’objet et qui, selon lui, est calomnieuse, le cinéaste n’a manifestement rien perdu ni de ses talents de metteur en scène ni de ses capacités de création. Qu’on le veuille ou non, il demeure un grand cinéaste.
Preuve en est ce film qui raconte l’aventure new-yorkaise d’un couple d’étudiants d’une petite université du Nord-Est des États-Unis. Lui porte un nom improbable qui ouvre, à lui seul, des perspectives alléchantes : il se prénomme Gatsby comme le personnage de Fitzgerald et se nomme Welles comme le réalisateur génial de Citizen Kane (1946) et est interprété par l’acteur Timothée Chalamet. Elle se prénomme plus prosaïquement Ashleigh (avec gh, elle tient à le préciser), porte le nom d’Enright et elle a la grâce et la fraîcheur de l’actrice Elle Fanning. Or cette dernière a réussi à obtenir, pour le journal de sa fac, une interview d’un cinéaste de renom de New-York. Bien décidé à profiter de cette aubaine pour passer du bon temps avec son amoureuse, Gatsby se propose pour l’accompagner.
Bien évidemment, une fois sur place, rien ne se déroule comme prévu. L’interview avec le grand cinéaste (Liev Schreiber) a bien lieu, mais sous le signe de l’insatisfaction. L’homme n’est pas content de sa dernière réalisation et tient à démontrer à Ashleigh que son mécontentement est fondé en la conviant à une projection. Du coup, au lieu de poursuivre son séjour à New-York, comme cela avait été programmé, avec Gatsby, la jeune femme se trouve non seulement séparée de ce dernier mais, au gré du hasard, et du fait de sa naïveté, devient tour à tour la compagne de Ted Davidoff (Jude Law), un scénariste découvrant que sa femme le trompe avec son meilleur ami, puis de Francisco Vega (Diego Luna), un acteur de renom qui n’est pas insensible à son charme, c’est le moins qu’on puisse dire. De son côté, Gatsby n’est pas en reste : séparé de son amoureuse, il fait la rencontre, sur un tournage, de Chan (Selena Gomez), la petite sœur d’une de ses ex, une jeune femme d’un grand charme qui, pour les besoins du film, doit l’embrasser à pleine bouche ! Plus tard, il a affaire à une escort-girl, à qui il propose, pour une grosse somme, d’essayer de se faire passer pour quelqu’un d’autre.
Que ce soit dans le registre de l’émotion ou que ce soit dans celui du burlesque, le film étincelle d’inspiration et, parfois, de malice. C’est le cas, par exemple, lorsque Woody Allen met en scène un jeu de cache-cache dans un musée où, au milieu des pièces égyptiennes, Gastby tente d’échapper à une rencontre qu’il juge importune. L’émotion, elle, affleure souvent, mais toujours de manière discrète, sous une apparence de légèreté, un peu comme dans le théâtre tchekhovien. À cela s’ajoute, comme une cerise sur le gâteau, de multiples références, plus ou moins explicites, à de grands films de l’âge d’or d’Hollywood, comme La Griffe du Passé (1949) de Jacques Tourneur. Or c’est précisément le fil rouge du film que la question du temps, passé, présent, futur… Une journée à New-York, journée marquée aussi par le temps qu’il fait, puisqu’il pleut abondamment, une journée suffit à chambouler les existences et redistribuer les cartes. C’est plus ou moins vrai de tous les protagonistes du film d’ailleurs, y compris, par exemple, de la mère de Gastby qui fait à ce dernier d’étonnantes confidences sur son passé. Quant au futur, un peu comme dans Elle et Lui (1939 et son remake de 1957) de Leo McCarey, il se laisse entrevoir à l’occasion d’un rendez-vous dans un endroit précis de New-York, près d’une horloge précisément. Mais qui sont donc les deux protagonistes qui s’y retrouvent ? Mystère, mystère… Pour le savoir, précipitez-vous donc vers vos salles de cinéma et délectez-vous en regardant ce film !