Il est de ces cris qui sont sans fin. Il est de ces descentes qui sont sans résistance et qui entrainent dans des abysses. Et en lieu et place de la main qui sauve, on en vient à souhaiter que tout se perde, non pas parce qu’on a un goût prononcé pour le drame, mais tout simplement parce qu’on est convaincu que la crème de la déchéance est atteinte. MIGNONNES est un long métrage signé Maimouna Doucouré. Et si sur son premier long métrage, on décèle un coup de génie, il faut s’intéresser à la trame de l’histoire pour en ressortir avec un os dans la gorge. Des semaines après avoir vu ce film on a une boule à l’estomac, tellement la caméra de Maimouna Doucopure fut crue et impertinente en mettant en scène de petites filles à peine pubères, mais hissées au rang de sextoy dans un monde sauvage et sans pitié. Les adultes veulent du sexy, les enfants le leur offre. Les adultes sont déchirés dans leur monde et laissent celui des enfants à l’abandon, ils en font ce qu’ils veulent. A l’arrivée, Fathia Youssouf, l’héroïne du film entraine un groupe de jeunes filles mineures sur les chemins de traverse où elles étaient toutes perdues, livrées à une hypersexualisation et une violence sans pareille devant une société spectatrice du drame. Les quatre enfants sont sur le toit du monde. Elles sont femmes alors qu’elles ne devraient pas l’être, pas encore. Elles sont puissantes alors qu’elles avaient droit à de la fragilité. Elles sont des sex-symbols et mignonnes là où elles devraient être innocentes, naïves et enclines à des erreurs légitimes de jeunesse. Elles ont grandi trop vite et quand la cheffe de la meute en vient à prendre en photo ses parties intimes pour les balancer sur les réseaux sociaux pour être à la mode, c’est déjà trop tard. Le film appelle à la barre Youtube, TikTok, Dailymotion, Periscope, Instagram, Pinterest, Flickr, Facebook, Twitter, Snapchat, Tumblr, Tinder, Happn et fait de nous autres parents des voyeurs et consommateurs de la dérive ; impuissants. Le film est dérangeant et violent. Les quatre actrices ont su jouer leur rôle à la perfection qu’à la fin, on a la chair de poule avec une question qui reste en suspens : Où est la frontière entre fiction et réalité ? MAIMOUNA Doucoure nous entraine sur une pente raide et avec l’évolution de la caméra on passe de l’innocence à la maturité ‘’régressive’’ dans un monde de pression d’émancipation, de réseaux sociaux et de déchirure de tissu social ; irréparable. Le crime est commis sur des enfants et la relève est tuée avant de croître. La réalisatrice ose un sourire d’espoir à la fin mais on se demande s’il réparera ce qui est brisé. 95 minutes d’invitation à l’impudique ; de suffocation, dégoût , colère, angoisse et questionnements sur un film à l’allure de documentaire. C’est un chef d’œuvre, un puissant appel à l’aide qui interpelle. 09/10