Sortir de sa zone de confort et partager ses ressources plutôt que se morfondre dans l’inégalité avec l’idée que certains en souffre est un comportement terriblement humain sans l’être, tant ce phénomène est absent de notre monde actuel. C’est en tout cas le sujet de La Plateforme, une des dernières trouvailles de Netflix et son réalisateur, Galder Gatzelu-Urrutia, mêlant univers vertigineux et sous texte qui n’en est presque plus mais où le flou de l’entièreté du message persiste. L’œuvre se veut mystérieuse autant qu’ambitieuse mais manque toutefois d’impact et de clairvoyance pour servir totalement son propos. L’histoire est donc celle de Goreng qui, pour obtenir un certificat de conformité, doit survivre pendant plusieurs mois dans « la fosse », une sorte de prison de deux par chambre, totalement vertical et vertigineuse de grandeur, où tous les jours la nourriture est servie avec la même ration, allant de l’étage le plus haut au plus faible, où ces derniers ne peuvent se servir qu’avec ce que les autres leurs ont laissés. Ainsi face à cette injustice où les plus malchanceux n’ont quasiment aucune chance de survie, Goreng va tenter par ses moyens dans ce thriller science-fiction de changer les choses, entre rêve et cauchemar, invention ou réalité.
Malgré le parallèle quelque peu grossier et démagogique à première vue, le film surprend totalement par ses ressources et captives de bout en bout via son sens du rythme ainsi que la singularité de son concept. Le fait de jouer constamment avec l’hors-champ, ce que l’on ne voit pas, autrement dit les autres étages de la « fosse » puisqu’on reste toujours avec le héros, mais surtout du simple fait que personne ne sache où sont les limites de la prison rend l’impuissance des personnages face au système encore plus grande. La caméra alterne par ailleurs entre plans fixes et mobiles, choisissant quelques légers tremblements ce qui permet de rythmer le film entre inquiétude, par le froid qui ressort de l’image et le vide des décors, avec l’immersion à l’intérieur même de la « chambre » et s’immerger dans les conflits qui s’y passe. Au contraire de la bande sonore qui alimente sans cesse cette idée d’isolement, d’ambiance si particulière qu’il est souvent nécessaire de créer généralement dans une science-fiction, le fait que l’on entende ce qui se passe chez les autres sans jamais vraiment rien voir rend vraiment l’histoire captivante, même si on peut regretter cependant que le sentiment d’oppression ne soit pas si conséquent.
En effet l’apparition des morts, assez classique, ou encore les rêves dans une ambiance totalement rouge, ne permettent pas de ressentir un quelconque sentiment perturbant ou dérangeant qui apporterait une certaine plus-value.Le film tient par ailleurs une grande partie de son intérêt auprès du public par son mystère et les nombreux symboles qui le composent, comme par exemple les numéros de chambre, le livre Don Quichotte, le contraste entre vide du décor et profusion du buffet, la fin ouverte, ou encore le simple fait de réalisé un film dénonçant cette société sur une plateforme qui représente autant le capitalisme (qui est peut-être ici le symbole tant recherché). Cependant, là où le message du film invoque un certain calme et pousse à la réflexion, celui-ci refuse absolument tout temps mort, de part la simple heure et demie qui le compose dans un premier temps, mais aussi par le fait de peu étendre chaque scène, et donc chaque idée qui s’y passe.
Le montage très dynamique dessert le propos tant celui-ci a besoin d’être lent, où les images sont écourtées au possible pour toujours évoquer le plus simplement possible ce qui se passe au spectateur. On ne ressent ainsi que très peu la longueur du temps qui passe alors que c’est quand même la plus grosse difficulté de l’histoire auxquels les personnages sont confrontés. Toute l’évolution du récit se fait visuellement par l’évolution des corps, vivants ou morts, tout se passe par le spectaculaire sans vraiment provoquer une émotion durable en adéquation avec ce que représente le sujet du film. Les scènes hors du temps de l’histoire avec l’entretient manque clairement aussi d’impact et n’ont finalement pas vraiment d’intérêt puisqu’aucune mise en perspective avec le reste du monde n’est établie, tout comme la vie passée particulière du héros qui aurait pu être intéressante.