On a tous entendu parler, au cours de ces deux longs mois de confinement, de l'immanquable "Netflix-made" qu'est La Plateforme. Que ce soit par un ami, un collègue de bureau, ou un membre de sa propre famille, ce film est sur toutes les bouches. Et pourtant, une fois devant, ça ne marche pas. Que ça soit par la faiblesse du propos, ou au contraire par sa surabondance métaphorique et sémantique, il semblerait en effet que rien ne fonctionne.
Mais commençons par le début; l'idée centrale du film est plus que louable, et le jeu des acteurs nous porte. Du moins pendant un temps. Bien vite arrive l'escalade dans la violence, dans le burlesque accidentel, et dans -ce qui est à mon sens le problème principal- l'hyper intellectualisation du film.
Bien que je comprenne la tentation du metteur en scène d'insérer dans le film une forme de violence cathartique pour le spectateur, l'idée est au mieux discutable, au pire condamnable. La brutalité et les vagues d'hémoglobine qui recouvrent deux tiers du long métrage sont complètement superflues, et ne servent ni le propos du scénario, ni le jeu d'acteur, ni la réflexion sous-jacente du film. Certains argueront ici du fait que la violence physique sert d'instrument de révolte face à la tyrannie et à la violence morale de la société dont le film cherche à dépeindre le modèle, mais dans ce cas-là, pourquoi chercher à s'entourer de réflexions, et de métaphores "sophistiquées" ? La violence ne sert ici à rien, à part à satisfaire un public en manque de sensations fortes.
Quant à la réflexion même du film, je l'ai dit plus haut, l'idée est louable, le film est excellent à pitcher ! Mais ça s'arrête-là. Non-content d'exploiter une idée déjà lourde de sens (l'inégale répartition des richesses avec la plateforme qui part de tout en haut pour arriver tout en bas, et le caractère aléatoire de l'étage dans lequel on se trouve, dénonçant la pseudo-méritocratie de la société dans laquelle nous évoluons) le metteur en scène décide d'injecter du sens et de la profondeur partout dans le film, sans chercher à le justifier ni à l'expliquer de quelque façon que ce soit. Et on constate encore une fois -sans jeter la pierre à personne- que les pseudo-intellectuels/ cinéphiles/ Science-Pistes, se contentent de cette mise en scène et de cette hypersémantisation du long-métrage, acceptant comme des chevaliers blancs du Savoir et de la Réflexion cette fin ouverte insipide et malvenue, persuadés de la transparence et de la clarté du message du film. Que ça soit à travers les lectures aléatoires et injustifiées de "Don Quichotte", les scènes dans la cuisine, ou encore (le meilleur du pire à mon goût) l'intervention "deus ex machinesque" du vieillard omniscient trouvé on-ne-sait-où ni grâce à qui et délivrant un message quasi-providentiel, rien n'a jamais autant contribué à l'absurde et à la perte de sens dans un film.
Pour ne pas faire trop long, nous n'évoquerons pas l'inoubliable "la panna cotta es el mensaje" ni le compagnon (une fois encore inespéré et providentiel) de notre personnage principal qui, cela-dit en passant, ne ressemble en rien à un Don Quichotte des temps modernes. Il va sans dire que "La Plateforme" n'est ni un chef d'oeuvre du 7ème art, ni un film à recommander.
NSBogoss.