Par où tout a commencé. Après le succès d’American Graffiti, G.Lucas, deux films au compteur, s’attaque à Star Wars, une idée un peu folle qu’il a d’une saga en neuf film qui se déroulerait dans une autre galaxie, et qui mêlerait lutte entre le bien et le mal et affaire de famille soit les grands éléments de la mythologie. Il décide de commencer par le milieu et de réduire à six films. Il préfère commencer par l’épisode dont la trame narrative est la plus classique, qui se contente de déplacer dans une autre galaxie les personnages habituels du cinéma américain. L’histoire est simple, et simplifiée par un traitement manichéen. Si toute la saga est profondément marquée par la différence entre le bien et le mal, il s’agit du seul épisode où la frontière entre les deux parait infranchissable, même s’il y a le récit des origines de Vador. Le film est le moins exotique de la saga, une planète de sable, une planète avec des forêts, il use de nombreux clichés, le jeune fermier qui aspire à devenir un héros, la princesse courageuse, le méchant très méchant, le mercenaire en quête de rachat, et un duo de seconds rôles comiques. L’intrigue est également très simple : il faut détruire l’étoile de la mort pour affaiblir l’empire et garder un espoir de le renverser. Rien de tout cela ne sonne faux mais rien n’explique le succès du film, d’ailleurs de l’aveu de Lucas, il y avait quelque chose d’irrationnelle dans la façon dont les gens se sont jetés dans les salles obscures pour voir le nouveau phénomène planétaire. Il y a également quelque chose d’irrationnelle dans le rapport que les spectateurs continuent d’entretenir avec le film, les réactions aux corrections de Lucas ou les critiques contre la prélogie.
Le film a dépassé le stade de spectacle de divertissement pour devenir une œuvre culte. Certes le film est réussi : musique, effets spéciaux, bruitages, décors, tout concours à transporter le spectateur dans un univers cinématographique singulier. Le jeu d’acteur n’est pas parfait mais est relevé par Harrison Ford ou Peter Cushing, voire Alec Guiness qui reste impressionnant même si ce n’est vraiment pas l’un de ses meilleurs rôles. Et puis il y a le ton Star Wars. Un divertissement constamment agréable à suivre, drôle, héroïque, avec de grandes scènes d’actions… Mais également une noirceur que n’avait pas les grands films de cape et d’épée hollywoodiens. Le film, même drôle et avec un happy end des plus classiques, reste très sombre. Si le spectateur oublie tout cela grâce au cinq dernières minutes et ressort joyeux, il ne faut pas oublier que le film comporte plusieurs scènes très sombres. Le film se déroule dans un monde dominé par les méchants, postulats d’emblée très sombre, c’était toutefois le même dans le Robin des Bois de M.Curtiz par exemple. Mais il y a quatre scènes qui viennent rappeler au spectateur la violence et la cruauté de cet univers : la scène d’ouverture où les rebelles se font massacrés, la mort de l’oncle et de tante, scène qui rappelle dans son traitement narratif La Prisonnière du Désert, et si Lucas ne fait pas ressentir autant d’émotion au spectateur que Ford, il réussit toutefois à continuer de créer une atmosphère désespérée qui nécessite de plus en plus l’arrivée d’un héros. Puis il y a la scène de la destruction d’Alderaan. Cette scène est très réussie car elle arrive à nous émouvoir alors même qu’on ne connait aucune des victimes : les personnages de cette galaxie lointaine prennent définitivement vie dans cette scène, il ne s’agit plus de l’histoire de deux ou trois personnes mais bien d’une lutte pour sauver la galaxie et tous ses habitants. Les personnages prennent vie dans le contraste entre l’humanité de Leia et la déshumanisation de l’Empire qui apparait comme une grande machine : la narration s’attarde sur les ingénieurs qui tels des robots appuient sur les boutons qui vont provoquer la mort de millions de gens. Enfin quatrième scène sombre,
la mort d’Obi-Wan
, contraste réussi avec la destruction d’Alderaan, puisque cette fois-ci c’est un personnage pour lequel le spectateur a développé beaucoup de sympathie et de respect qui s’en va. Toutes ces scènes et le contraste avec les scènes de comédies et les scènes d’action font naitre le ton Star Wars, un divertissement dont on ressort heureux mais qui a pourtant été éprouvant émotionnellement.
C’est ce ton, l’univers créé, et la mystification de la narration par les références mythologiques qui expliquent le succès d’une œuvre créative, innovante toujours agréable à suivre mais qui a quelques défauts important. De tous les Star Wars de Lucas, c’est probablement celui qui a le moins de chose à dire sur la famille, la politique…Beaucoup d’idées sont évoquées mais il faudra attendre le film suivant pour qu’elle soit réellement développées… Il y a des facilités scénaristiques effrayantes, à commencer par le fait que Leia guide l’Empire à Yavin 4 alors qu’elle a deviné que l’Empire avait géo localisé le Faucon, une petite halte avant d’aller à Yavin aurait été une bonne idée, non ?
De toute façon, il est difficile d’en parler comme d’un film, alors même que Lucas est un réalisateur, car il s’agit d’un mythe de la culture populaire. Si on veut en parler comme d’un film, alors même qu’il est difficile de ne pas ressentir la dimension culte de l’œuvre, c’est un divertissement réussi, et qui se revoit avec plaisir mais qui se revoit d’autant mieux qu’il s’est depuis intégré à un univers beaucoup plus large. Car avec l’œuvre de Lucas, le tout est largement supérieur à la somme des parties.