Il n'est pas insignifiant que ce film nous vienne de Norvège.... La Norvège, représentante de ces pays nordiques pour lesquels le respect des particularités communautaires est sacré!
Le public de ma salle de banlieue était admiratif, enthousiaste, j'ai dû même dire à une de mes voisines de rangée que oui, c'était magnifique (alors que, comme on le verra, je mets un petit bémol
La belle (autrefois actrice) réalisatrice Iram Haq a certainement mis beaucoup de sa vie dans l'histoire de Nisha (Maria Mozhdah, une beauté à la Golshifteh Faharani, toute en cils et sourcils...). Nisha est une vraie fille de Norvège, où son père, Mirza (le premier qui dit l"avez vous vu" a droit à une baffe, Adil Hussain) a émigré depuis longtemps pour que les enfants puissent avoir une bonne vie, faire de belles études; il tient une épicerie, mais à son maintien, on peut penser qu'au Pakistan il avait une profession plus relevée. La famille est moderne, l'appartement est à l'occidentale, les femmes ne se voilent pas, et ils n'apparaissent pas particulièrement religieux. Nisha vit donc comme les copines, avec sans doute des règles un peu plus strictes et, légère et agile, elle est passée maître dans l'art de quitter et regagner sa chambre au deuxième étage pour aller faire la fête avec sa bande. Un jour, notre acrobate émérite (et bien irresponsable!) invite un petit rouquin bien norvégien à l'accompagner.... et Mirza les surprend et manque, de peu, d'offrir au rouquin une sortie définitive. Nisha est confiée au services sociaux.... tout le quartier est au courant.... et la famille est déshonorée (bien qu'il ne ce soit rien passé d'irrémédiable!). Père, mais aussi mère, frère aîné, tous portent le poids de la honte! On se détourne d'eux dans la rue, on ne les invite plus.
Le quartier (enfin, les hommes du quartier) palabre. Que faire? Renvoyer la criminelle dans la famille pakistanaise, pour lui apprendre à vivre. Nisha est littéralement kidnappée et envoyée chez sa tante, dans un bled médiéval à 300 kilomètres d'Islamabad, où toute la famille partage la même chambre.... Quel changement de vie....
Si je mets un petit bémol dans mon jugement sur le film, par ailleurs passionnant, c'est que dans le chemin de croix de la pauvre Nisha, rien ne lui sera (et ne nous sera) épargné. A force de vouloir être didactique, démonstrative, de nous montrer l'oppression des filles dans cette société fermée (et plus encore au Pakistan où la police s'arroge le rôle de censeur des moeurs et de maître chanteur à l'occasion), Iram Haq en fait presque trop!
Où elle est très forte, en revanche, c'est en nous montrant avec délicatesse combien, dans cette famille, on s'aime, et combien en particulier l'amour père et fille est fort. Nisha ne veut pas blesser son père, voire le quitter si l'occasion lui en est donnée, parce qu'elle l'aime. Et sans doute était elle la préférée de Mirza qui lui espérait un bel avenir, même s'il préfère la voir morte que déshonorée.... La scène finale, en particulier, est une petite merveille d'émotion.
A voir absolument, car cela donne à réfléchir sur la puissance de la pensée communautaire dans des groupes que semblent, en surface, "occidentalisés", mais qui sont perpétuellement assujettis au regard des autres. Mirza, le père tyran, n'est il pas aussi et avant tout une victime -ce que l'acteur Adil Hussain traduit admirablement?