Élégant dans la manière d’aborder les satires sociales, Benoît Delépine et Gustave Kervern ne sont dorénavant plus étrangers à cet exercice. Toujours du côté des marginaux et en dehors de la société de consommation, le duo de réalisateurs explorent les initiatives qu’ont les personnes dans le besoin. Tout l’œuvre s’obstine à décortiquer cette définition, mais aborde également la notion de beauté et d’éternité. La véritable richesse se trouve dans ce concept et on le comprend aux dépens des protagonistes qui malmènent leur situation mentale et morale tout au long d’une aventure très poétique.
La communauté Emmaüs, fondée par Henri Grouès, dit l’Abbé Pierre, est le sanctuaire du renouvellement. Les personnes défavorisées en sont les clients et les travailleurs qui se dévouent bénévolement pour subsister, en dehors du système capitaliste que l’on traite avec recul. C’est aux côtés de Jean Dujardin qui interprète un Jacques, fourbe, loquace et rêveur. Il abandonne son immunité, son image et met à profit la caricature qu’il donne de lui-même pour rendre son personnage attachant, dans toutes ses maladresses et ses ambitions sans limites. Il recherche comme chaque occupant de la communauté une couverture chaude qui le rendrait enfin paisible dans l’esprit. Cependant, il en souhaite une faite de billets brillants, avec les plus gros chiffres qui lui donnerait une nouvelle estime de soi. Le cas raté qu’il soupçonne être le handicap à soigner chez lui est un mal qu’il apprendra à dompter, mais pas tout seul.
Yolande Moreau campe Monique, sœur de Jacques et gérante de la société. Elle ne convoite rien d’autre que la vie qui la conditionne à vivre pour aider. La lecture reste cependant floue, le temps de survoler un premier acte rempli et d’une seconde partie bien plus portée sur l’émotion. Elle incarne la voie de la solidarité face à son autoentrepreneur de frère. Tous deux possèdent des convictions qui s’opposent, mais qui sont encouragées dans un récit qui vaut le détour pour sa composition surprenante. Les plans fixes se superposent presque en permanence, afin de rendre compte de cet environnement exotique qui se trouve à l’extérieur des villes de surconsommation. Le cadre de l’Emmaüs projette ainsi l’image que tout est recyclable. Rien ne se perd, tout peut être restauré et amélioré. La beauté dans cette histoire est dans le cœur, les intentions et les actes que chacun prendra pour autrui. Voilà pourquoi le film se veut sensible et réussi dans l’exercice, tout en portant un regard satirique et subjectif de ce qui est beau et éternel.
« I Feel Good » partage ainsi le désir de vendre un amour inconditionnel par le biais de relations travaillées. Dujardin excelle dans les situations burlesques, mais son humour apporte énormément dans le script. Les personnages secondaires illustrent tout le concept du bonheur. D’une part, nous avons une famille en quête de réconciliation et d’autre part, nous avons la reconversion en marche. On doit se prendre en main pour devenir un homme meilleur, mais cela doit-il toujours dépendre de l’argent ? Un tantinet long et absurde par moment, on ne boudera pas le discours égoïste et démonstratif d’un Jacques qui échoue dans les bras de ceux sur qui il voulait avant tout régner, tel le dictateur qu’il incarne passivement dans les moindres paroles, bien que la tendresse n’ait jamais été très loin pour conclure son parcours décisif.