On adore Gustave Kervern et Benoît Délépine. Ils ont réussi à ancrer dans un paysage cinématographique français parfois jugé trop figé une œuvre différente, décalée et contestataire. Leurs films sont certes souvent un peu bordéliques et à la réalisation parfois approximative, mais c’est ce qui fait aussi leur charme. Ils ont quelque chose à dire et le font avec un humour bien particulier, basé sur des dialogues barrés et des situations ubuesques. Le beau « Louise Michel » avec déjà Yolande Moreau nous les faisait découvrir quand « Le grand soir » et « Mammuth » les confirmait avec des castings haut de gamme (Poelvoorde, Depardieu, Dupontel, …) mais toujours la même verve comique et cette conviction en leurs idéaux. Alors quand leur nouveau film « I feel good » est annoncé avec une promesse de scénario qui synthétise leur œuvre et un casting alléchant (Yolande Moreau et Jean Dujardin), on en salive d’avance. Bien qu’il faille avouer que leurs films sont en général davantage attachants et originaux que totalement irréprochables.
Et bien on en sera pour nos frais ! Car leur dernier né est clairement une amère déception. Certains critiques crient au chef-d’œuvre ou scande leur meilleur film, ce serait plutôt le pire. Ou le moins bon pour être plus précis, car tout n’est pas à jeter dans « I feel good », loin s’en faut. En effet, pas mal de répliques font toujours mouche et beaucoup de vérités sont énoncées avec sarcasme ou humour noir contre le capitalisme forcené qui gangrène nos sociétés occidentales. On peut aussi noter que sur la forme, le duo de réalisateurs fait des efforts tant elle semble plus soignée de film en film. On est désormais loin de la caméra à l’épaule, de l’image trop granuleuse et du montage approximatif essayant de mettre bout à bout des scènes sans fil conducteur digne de ce nom. Mais, Délépine et Kervern radotent et n’apportent jamais rien de nouveau ici. Pire, ils enfoncent des portes ouvertes et semblent se reposer sur leurs lauriers alors que la tournée alcoolisée de « Saint-Amour » semblait renouveler leur propos.
Charge contre le patronat, hommage à Emmaüs (cependant tout le monde ne le verra pas tant dans certaines séquences les metteurs en scène semblent se moquer des gens qui y travaillent), diatribe envers l’argent-roi, critique du diktat de l’apparrence, … Tout cela a déjà été dit et fait. Souvent en mieux, et surtout par eux en France, en tout cas de cette manière. Alors même si c’est bien de le marteler, la façon de faire ou le fond se doivent de parfois évoluer au risque de se répéter, et donc de lasser. Dans la même veine sociale, Loach ou Leigh, se sont sans cesse renouveler outre-Manche par exemple. Mais un autre problème pointe le bout de son nez, qui n’avait pas cours dans leurs précédents films : on ne rit pas et on sourit très peu. « I feel good » est même plutôt triste à vrai dire. Pas un seul gag ne nous touche au point d’éclater de rire et il est rare qu’une réplique ou le côté décalé nous fasse afficher un quelconque rictus. Du coup, le temps paraît long et les scènes s’enchaînent de manière redondante, voire ne nous intéressent plus du tout dans le dernier tiers. Quant à l’alchimie attendue entre Dujardin et Moreau, elle est aux abonnées absentes. Il semblerait qu’il ne joue pas dans le même film, faisant leur numéro chacun de leur côté. Amère déception, mais on ne doute pas qu’elle sera rattrapée à leur prochain film.
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