Le film du colombien Jhonny Hendrix Hinestroza est sorti au début avril, et je serais passé à coté de cette pépite si un proche, marié à une cubaine ne m’en avait parlé, me précisant que l’atmosphère qu’avait saisie le réalisateur reflétait avec réalisme cette période que les autorités cubaines ont appelé « période spéciale en temps de paix ». Après la chute du mur de Berlin fin 1989, les bateaux soviétiques ont brusquement cessé d'approvisionner l'île en pétrole, céréales, lait en poudre, médicaments, intrants ou pièces détachées, provoquant un écroulement de l’économie et l’apparition d’une véritable économie de guerre alors que l’ile restait isolée par l’embargo américain. C’est dans ce contexte que Jhonny Hendrix Hinestroza a placé l’histoire de ce couple , dont l’idée lui serait venue après avoir rencontré dans le centre ville de la Havane une vieille dame qui s’appelait Candelaria , femme aux yeux sombres et à la peau brûlée qui d’une voix roque et au ton mélodieux, souligne le réalisateur, lui a raconté une histoire très personnelle du temps de la « période spéciale » Dans le film Candelaria vit avec Victor Hugo, un grand noir, probablement ancien sportif, joueur de baseball …Ils ont largement dépassé les 150 ans à deux et plutôt que de vivre une paisible retraite, ils sont encore obligés d’effectuer de petits boulots pour survivre… Victor Hugo est une espèce de surveillant dans une fabrique de cigares , installé sur une estrade il commente aux ouvriers, Granma, l’organe officiel du Parti, avec une préférence pour les commentaires sportifs…Candelaria est lingère dans un grand hôtel et reçoit dans les sous-sols des brassées de linges sales qui arrivent des étages…Les deux survivent dans un appartement miteux, entre deux coupures d’électricité , s’alimentant chichement à cause des rationnements…Victor Hugo fait un peu de marché noir en revendant des boites de cigares soustraites à l’atelier…Candelaria élève quatre poussins qu’elle considère comme ses enfants…Certains soirs, Candelaria met une belle robe rouge et avec Victor Hugo vont jouer et chanter dans un café pour touristes, dans un ensemble « Benua vista social club » au petit pied… Un jour, Candelaria voit tomber dans son panier de linge, un caméscope qui s’est mélangé avec les draps d’une chambre… comme personne ne l’a vue, elle le garde et cet objet tombé du ciel va permettre au vieux couple de réinventé sa sexualité…Non sans malice, les deux vieux amants l’utilisent pour faire renaître et immortaliser une passion physique qu’ils croyaient à jamais éteinte et qu'ils nous offrent du même coup, entre humour et amusement, …Victor Hugo filme sa femme et la redécouvre. Sa peau est fripée, son corps fatigué, mais il ne voit que son amour…….C’est un film tendre et délicat , une délicieuse comédie dramatique, pleine de fantaisie, qui doit beaucoup à deux formidables acteurs , tous deux cubains, Alden Knight qui joue Victor Hugo et Veronica Lynn qui joue Candelaria , sans oublier Philipp Hochmair en El Carpitero, dans le rôle d'un receleur machiavélique régnant sur le marché noir local ou Manuel Viveros, El Négro qui trafique et bricole le moteur qui lui permettra de fuir l’île…tous deux soulignent le sous-texte politique de cette fable coquine…Allez voir Candelaria…il passe encore dans le circuit Art et Essai.