Once upon a Time in...San Fernando ? Difficile de ne pas penser au dernier film de Quentin Tarantino en parcourant le nouveau Paul Thomas Anderson (neuvième long-métrage pour l'un et l'autre, étonnante coïncidence). Dans les grandes lignes, on est bien sur la même démarche : un coup dans le rétro pour se livrer à une rêverie introspective. L'un achevait sa virée fin des années 60, l'autre démarre la sienne au début des 70.
Le soleil, les pattes d'eph', les restes du summer of love et de l'insouciance héritée de la décennie passée. Gary, adolescent (et comédien) rencontre Alana, de dix ans son aînée. Il tchatche, elle nargue et pourtant ils reviennent inlassablement l'un vers l'autre. Pendant combien de temps ? Difficile à dire, Paul Thomas Anderson malmène nos repères avec des ellipses pas très claires. Gardez en tête que l'important demeure ce "couple" mal assorti donc parfaitement irrésistible.
Ce sont eux qu'on suit. Alors qu'ils courent de projets à projets, passant d'une opportunité à une autre. Et s'ils se lançaient dans le commerce des matelas à eau ? Et pourquoi pas se lancer dans le cinéma ? Pour terminer, un petit détour du côté de la politique ? Nous, on les regarde divaguer alors que les coups durs sont à un jet de pierres (le choc pétrolier, l'enlisement au Vietnam). On les regarde ouvrir rapidement le champ des possibles avant qu'il se referment derrière eux.
Difficile à suivre ? Pas le moins du monde, ce n'est pas une course mais une paisible divagation. Le cinéaste se reconnecte avec son passé, mais il ne le fait pas égoïstement. Le travail de reconstitution est dément, la mise en scène cumule les longs travellings latéraux ou plans-séquences pour balayer les décors et paysages. Ce n'est jamais pensé comme une démonstration de force mais pour plonger son spectateur dans cette bulle seventies. Le tout est embelli par une photographie dont les teintes légèrement passées et le grain dans les scènes nocturnes font presque monter les larmes aux yeux.
Le temps de cette romance solaire, Paul Thomas Anderson se paye aussi quelques petits plaisirs personnels. On croise un erzats du comédien William Holden (Sean Penn, excellent), tellement à l'ouest dans les 70's qu'il préfère rejouer ses rôles iconiques des années 50/60. On (re)découvre le jeune élu démocrate Joel Wachs, chaleureux et introverti. Enfin, on est initié à l'inénarrable Jon Peters (coiffeur pour stars et compagnon de Barbra Steisand), campé par un Bradley Cooper totalement déjanté.
Où tout cela mène ? Est-ce le plus important ? Que le metteur en scène y aille en traînassant, en faisant des bonds, en marche avant ou en marche arrière (lors d'une surréaliste descente en camion), on en revient encore et toujours à eux, Alana et Gary. Comment faire autrement ? Cooper Hoffman, d'un naturel fabuleux, crève l'écran. Quant à Alana Haim, son charme et sa subtilité emportent tout sur leur passage.
À la différence d'un Once Upon a Time in...Hollywood qui se voulait être la parenthèse enchantée d'une époque vouée au désenchantement, Licorice Pizza (du nom d'une chaine de magasins de vinyls dans le sud-Californie) n'a d'autre horizon que le plaisir simple d'un amour de jeunesse. D'un temps révolu, Paul Thomas Anderson extrait l'intemporelle légèreté d'un idylle fait de ces petits riens qui marquent une vie.