Depuis « Haute Tension » et du fabuleux remake de « La Colline a des Yeux », Alexandre Aja continue d’explorer le versant claustrophobique de son cinéma. Mais pas question de nager avec du reptile cette fois-ci. Après avoir récupéré le projet, le scénario en veille de Christie LeBlanc et la mise en scène début 2020, le cinéaste a pour ambition de ne pas plier aux comparaisons faciles et trompeuses de ses prédécesseurs, en pensant astucieusement à « Buried ». Il n’en est rien, à commencer par le détournement d’un caisson de cryogénisation, censé maintenir en vie, mais dont le paradoxe le transforme en un cercueil high-tech et interactif. Il y a donc autant de câbles et de ficelles à tirer dans un contexte aussi limité, où l’identité de la prisonnière, ses souvenirs et les raisons de sa présence demeurent dans une réflexion métaphysique et éthique.
Mais ne nous voilons pas la face, car le thriller constitue le noyau de l’œuvre et les codes de science-fiction ne font que graviter autour de celui-ci. De cette manière, la structure narrative prend la forme d’un cercle parfait, à l’image d’une caméra pivotante ou de l’intelligence artificielle M.I.L.O, doublé par Mathieu Amalric. Il rôde dans le visuel et l’esprit d’Elizabeth, angoissée de comprendre qu’elle n’en a plus pour longtemps à vivre. L’instinct de survie prend le dessus, c’est humain, et Mélanie Laurent incarne sans défaut toute la détresse émotionnelle d’une femme, isolée et conditionnée dans le secret. De jeu vaut véritablement un détour, grâce au rythme endiablé de l’intrigue, qui ne freine jamais ses envies et n’hésite pas une seconde pour inspirer un bon coup avant de rebondir sur de nouvelles perspectives. La force du récit réside dans ce renouvellement d’enjeux, qui perd inévitablement en pertinence claustrophobique passé un moment, car l’intervention de flashback ou caractériser l’hallucination devient un objet d’étude à part entière. Mais la vitalité de la patience et du spectateur restera au cœur de l’expérience d’un Aja raffiné.
La quête de vérité correspond à la thématique d’une vie, dont on prend soin d’assimiler l’environnement embryonnaire du caisson à la maternité. Un sentiment de régression du personnage la ramène à raisonner et à douter de ses interlocuteurs, dans le bon sens. La confrontation d’Elizabeth lui permettra de générer les stimulants dont elle aura besoin, chose qu’on lui accorderait à coup de protocoles vicieux et sans nuances. Tout l’attirail électronique et numérique ne lui est pas d’un secours décisif, car c’est finalement en fouillant dans son propre ADN qu’elle obtiendra l’argument de ses crises. À travers cette vitrine, une énergie positive se dégage à en contaminer un espace sur-mesure pour une comédienne qui investit finalement tous les lieux présentés. Performance et atmosphère font que ce cauchemar tombe à pic, au moment où l’humanité commencerait alors à sortir d’un hypersommeil, pour enfin reprendre sa vie en main, ainsi que tous les repères qui vont avec.
Se reconnecter à l’espoir ne se fera pas sans risques et « Oxygène » (O2) s’agrippe à l’optimisme de son propos et l’assume jusqu’à son point de non-retour, méthodiquement explosive, mélancolique et lyrique. Dommage qu’il ne trouve pas suffisamment de force et surtout de temps pour élargir ses horizons. Mais ce serait trahir la promesse d’une proximité maîtrisée et la nuance même du survival, que d’enfin laisser le spectateur respirer à son rythme et dans une pièce qui ne rétrécira jamais assez pour l’y piéger.