L'officiel flair d’œnologue de la critique presse se trompe. Ceci est "Le plus gros retournement de veste de l'Histoire" comme dirait l'autre ou pour citer un commentaire "(Shahzad A.) Philippe Lacheau a réussi à faire ce qu'aucun américain ou même japonais n'a pu faire : adapter correctement un manga sur grand écran ; chapeau à lui !" et je dois platement m'excuser pour avoir hurler comme beaucoup avec les loups au visionnage du teaser et à l'appel du hashtag #UneproductionPhilippeLacheau qui s'en est suivi... Etrangement, l'intéressé lui-même avait peut-être conçu ce premier entraperçu - à contre-emploi du principe du teasing - avec la réserve qu'était celle de ne pas montrer ce qui aller faire de son film un authentique et on-ne-peut-plus honorable hommage (donc pas les bandes-son originales, ni les clin-d'oeils et revisites-clés ; le duo d'acteurs secondaires et le rap de Deadpool façon "Luc Besson" présageaient à mes yeux manifestement du pire. Quant au registre prémédité de l'Humour/divertissement au travail d'écriture du scénario, je dois dire que l'argument pouvait à juste titre sonner comme un prétexte à faire du franco-français et nous en remettre une couche après la sortie du non-événement "qu'est-ce qu'on a (encore) fait au bon dieu"... Pouvait-on espérer un miracle dans ce paysage grand public fait de blockbusters hollywoodiens aseptisés d'un côté et de l'autre, de comédies poussives, parfaitement plates et pipées au vote par des chauvins ? Philippe Lacheau nous démontre que oui, qui plus est dans l'exercice tenaillant de l'adaptation, où viennent se poser des tas de questions, de la justesse d'interprétation des références narratives au dosage des registres abordés, en passant par la transcriptibilité du comique et des codes symboliques et expressifs du manga en live action... Le résultat est inespéré, quasi perfectionniste, 400% de loin au-delà de la qualité que j'en espérais. Tout y est. On aurait pu redouter que la réalisation ne tire trop sur la corde des caméos, des clin d'oeils, comme Lacheau l'avait prétendu ("y en aura pleins") mais les insertions sont subtiles (j'en ai d'ailleurs raté deux énormes tellement :
Jeanne & Serge, Dragon ball
) et ne résume absolument pas le film à une liste de course de la nostalgie. Le jeu n'est pas outré comme on peut le voir habituellement dans ce genre de production, au contraire, les acteurs s'en sortent pas mal du tout et la psychologisation des personnages, qui n'est pour une fois pas survolé ni caricaturale, "prend" totalement - on se met à repenser à la série animée et à mieux comprendre les rapports et les attitudes entre personnages. La relation Nicky-Laura à coup de "je t'aime/moi non plus" et de marteaux arrive ici à toucher, et tout l'équilibre se fait y compris avec les faire-valoir secondaires - Poncho et Skippy - qui ont vraiment leur rôle à jouer dans l'histoire (pas si subsidiaires que ça). Ils amènent une touche de fraîcheur inédite sans pour autant dénaturer le matériau d'inspiration initial, tout comme les gros durs et autres mafieux maladifs qui gardent de la version "Nicky Larson" de City Hunter ce je ne sais quoi de loufoque et pathétique dans la misère que leur fait subir notre héro de l'ombre. Quand bien même le côté gaguesque de "Nicky Larson" est assumé, il n'en reste pas moins que s'y greffe tout ce qui du reste fait le charme du City Hunter papier : les bastons assurent, les plans et travelling suivent impeccablement, le Bad-ass y est - bravo pour l'efficacité et l'originalité de la choré de l'affrontement à la première personne -, la romance, les sentiments et la sensualité aussi (attention à ceux qui ont décidé d'amener leurs petits à l'écho régressif de cette madeleine Club Do, y a quand même quelques tétons et bites dans les plans)... En dehors de ces rares scènes furtives à signaler, pas de vulgarité pesante contrairement à ce que j'ai pu entendre et pas cette prévisibilité parfois relevée non plus, même si, on s'y attend, le Parfum de Cupidon utilisé à mauvais escient sera à l'origine d’interactions hypnotiques et improbables, élément qui relève du prescriptif. Les costumes, la coiffure et le maquillage qui semblaient faire un peu "cheap" ou Cosplay dans la bande-annonce passent par contre étrangement bien dans le résultat final, aidés par une incarnation illusionniste sans doute ? Mystère. Seuls aspects (il est plus juste de parler de détails mineurs) qui m'ont semblé perturbants, l'éclairage un poil crue parfois et l’échantillonnage colorimétrique - une tendance incompréhensible dans la majorité des super-productions actuelles, palette qui n'existait pourtant pas avant - aux bleu turquoise/cramoisi ou orange, certaines bandes-son pour leur part, qui auraient gagné à être amenées de façon plus raccord aux séquences qu'elles accompagnent. Aucune facette typique ou identifiable de l’œuvre de Tsukasa Hôjô n'a cependant et pour conclure été délaissée, pour la satisfaction des plus grand fans
(exception peut-être de l'ambiance de pénombre méga-urbaine - tout de même installée dans les plans larges aux côtés des immanquables décors de port, d'usine désaffectées, de palace somptueux et autres "love hotels" - et des détourages de silhouette à contre-lumière, plus la phobie des chats d'un certain molosse, peut-être reporté à un prochain épisode ?)
, ce qui au delà du scénario parfaitement ficelé à l'image d'un épisode du manga, viens parfaire le respect que l'équipe de Lacheau a pleinement investi dans ce nouveau et totalement jouissif bébé !