D'abord, pardon. Tout simplement pardon à Philippe Lacheau et à sa bande pour avoir sous-estimé leur amour de l'anime "Nicky Larson" et, surtout, leur capacité à nous le faire ressentir.
Comme une grande majorité du public, dès l'annonce du film jusqu'au visionnage de la bande-annonce, je n'ai pas cru un seul instant à la viabilité d'un tel projet et ce, pour plusieurs raisons. Déjà, pour une question de goût personnel, je ne suis pas vraiment client des films de cette petite troupe dans lesquels je ne vois la plupart du temps que des concepts de comédies US à succès remis au goût du jour à la sauce franchouillarde. Ensuite, vu la débâcle totale des adaptations françaises de nos propres bandes dessinées dont on exhume la nostalgie pour la saccager sur grand écran, comment s'enthousiasmer autour d'un film qui irait s'attaquer cette fois à un anime/manga culte d'une autre culture avec cette même approche destructrice bien de chez nous ? Et, enfin, si, comme moi, vous avez grandi avec l'oeuvre de Tsukasa Hôjô, comment ne pas avoir tourné de l'oeil à la découverte de la première bande-annonce où un Nicky Larson/Ryô Saeba se retrouvait incarné par un Philippe Lacheau ayant autant de points communs physiques avec le personnage qu'avec un teckel à poils longs et où l'humour de La bande à Fifi trouvait une place bien trop prépondérante au milieu de scènes paraissant singer quelques moments cultes du matériau d'origine sans un rendu visuel à la hauteur ? "Nicky Larson et le Parfum de Cupidon" semblait naître dans une telle configuration parfaite d'astres alignés contre lui qu'il était bien difficile de ne pas tomber dans le bashing simpliste avant même de le voir dans son intégralité et c'est d'ailleurs ce que je fis accompagné d'un très grand nombre d'internautes. Mais le vent a commencé à tourner...
Plus que l'approbation de Hôjô lui-même (en même temps, Akira Toriyama avait bien validé l'abominable "Dragon Ball Evolution", la preuve que ça ne veut rien dire), c'est le nombre assez impressionnant de retours positifs lors des premières projections et avants-premières qui a suscité ma curiosité et l'envie de lui laisser sa chance. Et puis, pour l'avoir tellement descendu en amont, il fallait être un minimum honnête avec moi-même en allant me confronter au résultat final...
On en arrive donc à ce moment où je dois ravaler tout le venin que j'ai répandu sur le film de Philippe Lacheau. "Nicky Larson et le parfum de Cupidon" est évidemment très loin d'être parfait mais force est de constater que le long-métrage est une tentative réellement inspirée, transpirant un tel amour de l'anime en VF censurée par lequel on a tous découvert le personnage de Nicky Larson dans le Club Dorothée qu'il en devient souvent irrésistible et atypique par sa nature dans le paysage cinématographique français. Au delà du débat entre le manga, l'anime en VO et sa version française (tous trois différents), Philippe Lacheau a réussi a extirper l'esprit de Nicky Larson/City Hunter de ses différents supports et, le plus étonnant, à le marier à son humour potache sans que cela ne choque outre mesure et à en faire in fine une sorte de grosse communion-live pour tous les spectateurs ayant passé des matinées entières devant ces dessins animés japonais devenus cultes pour toute une génération. Oui, rien que ça, vous comprenez que l'on ne peut que s'incliner devant la sincérité qui émane d'une telle proposition.
Une fois n'est pas coutume, comme le film a de belles qualités mais aussi pas mal de maladresses, on l'abordera selon ses points positifs, mitigés et négatifs.
Les points positifs :
- Élodie Fontan en Laura/Kaori : c'est elle ! C'en est même incroyable comme si elle s'était échappée de l'anime ou des cases du manga ! Les expressions et les réactions tiennent de la symbiose parfaite avec son modèle dessinée, l'actrice a tellement tout compris du personnage que si, un jour, il y a une autre adaptation plus fidèle au manga, ça va être dur de la remplacer dans la mémoire collective. Et elle vole clairement la vedette à Philippe Lacheau en Nicky Larson, on ne voit qu'elle dans leurs scènes communes, le film aurait peut-être même dû s'appeler "City Hunter" pour mettre vraiment en valeur ce duo au coeur son intrigue.
- Les références à tous les incontournables de l'univers Nicky Larson/City Hunter : ben, il y a tout, on dois bien le reconnaître : le "XYZ", l'appartement où ils habitent, la relation si particulière entre Nicky et Laura, les massues, Hélène/Saeko (dommage que l'actrice ne soit "que" belle), certains noms prononcés... et même le corbeau, punaise, le CORBEAU ! Seul regret, il y a juste une trop forte volonté de tout vouloir mettre en un film comme le sort du frère de Laura, mal géré et avec un rendu dramatique très cheap.
- Les scènes d'action : c'est inégal mais le film fait encore là preuve d'une ambition inédite dans le cinéma français : la caméra qui suit le mouvement des coups, une séquence en vue subjective assez géniale,...Tout n'est pas forcément heureux mais ça reflète parfaitement l'esprit d'un long-métrage qui, quoiqu'il arrive, veut tenter des choses et, malgré un côté toujours trop franchouillard, il y a une audace visuelle bien trop rare chez nous à saluer, sans compter l'insertion des musiques et bruitages de l'anime participant pleinement à la coolitude de l'ensemble.
Les points mitigés :
- L'intrigue principale : elle ressemble aux histoires du manga où le côté obsédé de Nicky/Ryô est mis en danger (comme quand un hypnotiseur le rend impuissant par exemple) et ce n'était peut-être pas le meilleur choix pour un premier film servant à installer cet univers car, finalement, le problème qui le prive d'une de ses caractéristiques les plus fondamentales et qui aurait pu le remettre en cause de manière hilarante (si Hôjô avait eu une idée pareille, ça aurait été fou dans le manga) est ici survolée pour privilégier des gags vraiment faciles (et les plus sujets à polémiques même si, en réalité, cela reste plutôt du niveau d'une cour de récréation). Sinon, en général, l'intrigue n'est pas plus bête qu'un épisode de l'anime mais paraît quelques fois un poil simpliste sur une durée de 1h30. On regrettera la présence bien trop importante des deux acolytes/potes de Philippe Lacheau et le fait que le film se délocalise assez vite du décor urbain vers le sud de la France.
-Les références au Club Dorothée et aux animes de l'époque : bon, personnellement, en tant qu'aficionado de Dragon Ball, il y a un clin d'oeil qui m'a laissé admiratif, c'est presque du génie d'avoir pensé à l'insérer comme ça. Les autres allusions sont amusantes mais plus anecdotiques et l'apparition de Dorothée est complètement gratuite et ratée (ça fait même un peu de peine de la voir autant âgée à vrai dire)
- L'humour : difficile de proclamer que l'on s'est bien marré tout du long, c'est tellement facile la plupart du temps (ça restera évidemment très subjectif selon chacun) mais on se surprend à sourire pas mal voire à avoir quelques vrais éclats de rire comme, par exemple, avec ces canards particulièrement malmenés.
Les points négatifs :
- Philippe Lacheau en Nicky Larson : je n'y ai hélas pas cru... Sur l'aspect satyre du personnage, le passage en live nous fait clairement regretter les têtes dessinées pas possibles de Nicky/Ryô avec un recoin de bave aux lèvres pour vraiment emporter la mise de ce côté précis de l'humour. Bien entendu, ce n'est pas la faute de l'acteur mais il y a tout de même pas un manque de naturel dans ses intonations qui s'avère souvent gênant et il se fait dévorer tout cru par Élodie Fontan à ce jeu. Lacheau est bien meilleur dans les scènes d'action et, lors de la séquence la plus dramatique du film où il prendra une posture plus sérieuse, on se dira, enfin, "Ça y est, c'est lui !" mais cela n'arrivera hélas juste qu'une fois.
- Les guests françaises en surnombre : leur présence fait immanquablement sortir du film et la pertinence d'avoir pris Didier Bourdon dans un rôle important est plus que discutable. Encore une fois, les compères de Lacheau sont aussi trop omniprésents mais un peu moins que le laissait présager la bande-annonce.
-Mammouth/L'Éléphant : le personnage un peu sacrifié du lot en étant réduit à un simple rôle de silhouette massive et mutique. Et c'est finalement lui qui tient le plus du mauvais cosplayeur dans cette affaire avec, bizarrement, un costume pourtant très simple mais qui apparaît le moins crédible dans cette réalité alternée de l'univers Nicky Larson.
C'est d'ailleurs comme ça qu'il faut considérer "Nicky Larson et le Parfum de Cupidon", non pas comme une adaptation stricto sensu mais une sorte d'alternative où le seul mot d'ordre est de retranscrire le plus fidèlement l'état d'esprit de l'anime pour faire retrouver aux spectateurs le regard d'enfant qu'ils avaient en suivant les aventures de ce tueur à gages au grand coeur sur le petit écran. Bien sûr, on pourrait tergiverser plus longuement sur l'humour inégal et toutes les maladresses du long-métrage mais, de ce seul point de vue, Philippe Lacheau a réussi son pari et c'est bien là l'essentiel. Même au-delà, par ses tentatives constantes dans tous les domaines, "Nicky Larson et le Parfum de Cupidon" est une comédie qui détonne vraiment dans ce registre très souvent préfabriqué du cinéma français. Rien que pour ça, encore toutes nos excuses, Mr Lacheau, et, à ne pas en douter, on se reverra pour le deuxième opus, surtout si les Cat's Eyes sont de la partie...