Je ne m’en suis jamais caché : j’ai de la sympathie pour le boulot global de Philippe Lacheau. Ce n’est pas toujours du grand cinéma, mais ça s’efforce à chaque fois d’être dense, construit et bon-enfant. Moi en tout cas, je ressens toujours chez lui le désir de faire du travail honnête et c’est le genre de démarches face auxquelles je ne suis jamais vraiment insensible. Sauf que là, avec ce « Nicky Larson », ce n’est juste pas possible. Même avec toute la bienveillance du monde, difficile de ne pas voir que ce film est pétri de problèmes. C’est dur à dire mais je trouve que rien ne marche, de la première à la dernière minute. « Nicky Larson », c’était visiblement trop gros pour lui… Pourtant l’initiative de base, moi je la trouve juste brillante. Oser reprendre cette figure iconique qu’une génération entière a connue enfant (alors que bon…) et la resservir aujourd’hui à cette même génération qui, en 2019, est devenue adulte, c’était la porte ouverte à un paquet de trucs merveilleux. Au-delà du plaisir de jouer de la fibre nostalgique, il y avait aussi clairement moyen de construire une comédie très riche basée sur un humour tout en décalage : décalage entre la figure innocente vue par les enfants et celle plus effrayante vue par les adultes, mais aussi décalage entre ce qu'on pouvait tolérer comme lourdeur dans les années 1980 et qui ne passent clairement plus aujourd'hui en ces temps de "Balance ton porc"... Ralalah quoi ! Mais il y avait vraiment moyen de faire un truc énorme ! Et finalement quoi ? On commence avec un gars qui fait son douillet juste avant une opération chirurgicale et puis soudain – patatra ! – Nicky Larson qui débarque avec Mammouth pour une bagarre endiablée à base de blagues sur la nudité et la bistouquette ?! Non mais… Non mais « Stooop ! » Cette seule scène résume à elle seule tout ce qui ne va pas dans ce film ! De où que tu commences un film sur « Nicky Larson » avec une opération chirurgicale ? De où que tu l’ouvres sur une blague ? De où que « Nicky Larson » c’est avant tout des grosses bastons filmées de manière frénétique avec du montage cut et de la shakycam à gogo ? Et pourquoi ce décor blanc et bleu ? Et pourquoi tant de lumière ? Et pourquoi Nicky Larson c’est un petit gars tout nerveux qui parle du nez ? Non ! Non ! Non ! Mais NON ! Große problem ! Ce film s’appelle « Nicky Larson » mon fifou d’amour ! La PREMIERE chose qui s’impose, c’est de veiller à respecter l’œuvre que tu adaptes ! Or, là, l’œuvre adaptée, c’est le dessin-animé de Tsukasa Hojo (bien plus que le manga visiblement) et donc la moindre des choses c’est de partir de ce matériau de base là ! Et si oui – c’est vrai – Nicky Larson c’est bien un gros obsédé sexuel, ce n’est pour l’occasion qu’un aspect parmi d’autres du personnage ! Certes c’est ça qui le rendait drôle et sympa, mais au-delà de ça, Nicky Larson c’était aussi et surtout un détective privé qui pétait la classe ! L’icône dandy d’un polar assez noir ! Et s’il y avait des moments de détente qui étaient réels, c’était aussi parce que le cœur de l’œuvre restait le polar ! Et la force de la série c’était justement sa capacité à transiter régulièrement et habilement entre la gravité du genre policier d’un côté et les frasques soudaines de l’ami Nicky de l’autre ! D’ailleurs, pas mal de gags de la série reposaient sur ça : Nicky demandait un truc sur un ton grave et tout le monde l’écoutait parce que justement, ce gars c’était Nicky Larson ; ce détective hors-pair que tu peux pas test. Mais d’un coup on finit par se rendre compte que le truc demandé, en fait, c’était une grosse faveur sexuelle bien graveleuse, ce qui cassait totalement le charisme du personnage ! C’est ce type de rupture qui était drôle ! Or là, dans ce film, pas de polar ! Au lieu de commencer par une bonne grosse scène intrigante dans une rue blafarde, on se retrouve en plein jour dans une clinique avec du burlesque touche-pipi ! Bah non : ça marche pas ! Pas plus que ne marche cette scène d’action frénétique d'ailleurs ! Non – justement – la classe de Nicky Larson c’était tout l’inverse ! C’était le mec qui ne bougeait pas. Le mec qui tirait la bonne balle au bon endroit et au bon moment ! Et tout ça au ralenti s’il vous plait m’ssieus-dames ! En termes de badassitude, c’était quand-même autre chose que Philippe Lacheau ! Enfin c’est vrai mais c’est fou ça ! De où Philippe Lacheau est l’acteur le plus adapté pour incarner ce personnage ? Je veux bien que ce soit son film, mais il y a un moment il faut que tu te poses les bonnes questions ! Et c’est justement cela que je reproche au bon Fifi sur ce coup-ci ! J’ai l’impression qu’il ne s’est pas posé les questions qui s'imposaient. Le gars à l’habitude d’interpréter le rôle principal quand il réalise, alors pourquoi changer ? Hein ? Pourquoi ? …Bah peut-être parce que, sur ce coup-là, ça marche pas mon Filou ! Et le souci c’est que tout ce film se résume à ça. On fera d’abord du Lacheau avant de faire du Larson. Or, le problème – et ce film le démontre assez tristement – c’est que du Lacheau, ça a vite ses limites en termes de cinéma. Dès qu’on le sort un peu de ses habitudes, eh bah il pique vite et assez méchamment. L’univers de Nicky Larson est en fait un véritable boulet pour ce film. La mort du frère de Laura ? C’est un moment dramatique dans la série. Mais comme Lacheau ne sait pas poser de moment dramatique, il case ça comme un flash-back un peu pastiche au milieu de deux gags graveleux. Le gars est tellement embarrassé qu’il ne sait même pas comment filmer ça. Il n’y a aucune tension, ni dans le montage, ni dans le cadrage. On se retrouve juste avec une simple réalisation plate et illustrative (
L’insert de la main tenant le flingue qui va tuer le frère de Laura est d’ailleurs l’un des plus dégueulasses que j’ai pu voir cette année : ça pue l’amateurisme. C’est vraiment triste
). Même chose pour les musiques : c’était effectivement une étape obligatoire que de faire des clins d’œil musicaux à la bande-originale de Tatsumi Yanno. Mais là-aussi, chaque référence tombe à plat tant elle ne colle pas avec l’atmosphère qui lui est originellement associée. Moi, entendre « The Ballad of the silver bullet » pendant que Didier Bourdon, assis à une table de picnic du grand parc de Cergy, manipule un thermos de jus de raisin en pleine après-midi estivale je trouve que c’est plus qu’une faute de goût, c’est carrément une hérésie. Et même si on ne veut pas faire attention à ça, le film nous y renvoie en permanence. Aucune scène ne tombe juste parce qu’à chaque fois elle est toujours le cul entre deux chaises. Elle n’est pas du bon Larson, mais elle n’est même pas du bon Lacheau non plus. Les deux univers semblent se déranger mutuellement au point qu’on est en droit de se demander ce qu’ils foutent vraiment ensemble. D’un côté Philippe Lacheau s’efforce de caser tous ses potes et tous ses tics au point de multiplier les erreurs de casting (le duo Lacheau / Fontan en tête. Le super vilain dont j’ai oublié le nom et l’utilité est juste derrière.) ainsi que les scènes qu’il ne sait clairement pas gérer (scènes d’action, scènes de drame, scènes de polar, voire même pas mal de scènes comiques). Et puis de l’autre côté, l’univers « Nicky Larson » se voit lacéré comme jamais, au point d’être réduit à faire le guignol sur la Côte d’Azur – le terrain de jeu favori de Lacheau – mais qui est aux antipodes du métropolitain noctambule qu’est l’ami Nicky. Tout ça conduit à faire en sorte que ce film ne trouve jamais ses marques. Tout sonne faux. Le rythme n’est pas du tout maitrisé (avec notamment certaines scènes incroyablement longues alors que le gag est déjà accompli depuis plusieurs secondes). Des gags qui se juxtaposent plutôt qu’ils se répondent, entrainant parfois des enchainements musicaux qui donnent l’impression que Spotify a été mis en lecture aléatoire. Des références insérées au burin. Quelques tentatives amusantes mais qui tombent tout le temps comme un cheveu sur le soupe (je pense notamment à la scène en mode « Hardcore Henry » dans la décharge : dans un autre film, ça aurait pu le faire, mais pas là.) Des gags qui tombent à plat à cause de graves erreurs de casting (genre : Jerome Le Banner. A part crier il ne sait rien faire.) Et – surtout – surtout, des décors et des musiques qui n’ont aucune pertinence et surtout aucune cohérence entre eux… Je suis désolé, mais ce film, il a beau avoir été fait par un mec sympa, c’est un fiasco à tous les étages. Je ne vois pas comment tu peux le percevoir autrement que comme un film amateur réalisé par des cosplayers du dimanche. Ça m’arrache vraiment le cœur d’avoir à dire un truc pareil sur un film de Philippe Lacheau mais bon, au bout d’un moment, l’esprit bon-enfant ne pardonne pas tout… Les règles de base du cinéma, et la culture pop, ça se respecte… Bon après, ce n’est que mon point de vue. Donc si vous n’êtes pas d’accord et que vous voulez qu’on en discute, n’hésitez pas et venez me retrouver sur lhommegrenouille.over-blog.com. Parce que le débat, moi j’aime ça… ;-)