Même après une 2e vision, le film reste brillant, imprégné de l’essence même du cinéma, art de l’illusion. C’est un exercice de style, plein d’inventivité, qui raconte 2 histoires assez conventionnelles mais sublimées, celle d’un homme qui recherche l’assassin de sa femme [déjà vu dans « Le fugitif » (1993) d’Andrew Davis avec Harrison Ford, adaptation de la série télévisée éponyme (1963-1967)] et celle d’un flic (Joe PANTOLIANO) qui veut coincer des dealers par tous les moyens. Le talent du réalisateur (et de son frère, Jonathan, scénariste) est de raconter ces 2 histoires entremêlées par un montage inhabituel, d’une part, de façon anté-chronologique et en couleurs, et d’autre part, en parallèle, par des scènes chronologiques en noir et blanc ; cela est justifié par le fait que le mari, Leonard Shelby (Guy PEARCE), frappé à la tête lors de l’assassinat de sa femme, souffre d’amnésie antérograde (ne se souvient pas des évènements postérieurs à son accident), d’où la succession de scènes correspondant à sa capacité de mémorisation instantanée (dont il garde traces par des notes tatouées sur son corps et des photos instantanées Polaroïd) et qui se chevauchent. Le montage (de Dody DORN) participe, aussi, à mettre le spectateur dans la situation de Leonard Shelby. Sans oublier la musique de David JULYAN [dont c’est la 2e collaboration sur 4 longs métrages avec le réalisateur, avant que ce dernier ne fasse appel à Hans Zimmer (4 longs métrages)], planante et lancinante. On y décèle, déjà, l’une des obsessions de Christopher Nolan, celle du temps et de l’identité liée aux souvenirs. On peut y voir, à côté de ces 2 obsessions, une illustration ou un hommage à l’effet Rashōmon, en référence au film éponyme (1950) d’Akira Kurosawa (1910-1998) où 4 protagonistes d’un meurtre racontent chacun une version différente, la vérité absolue n’existant pas.