Sur le papier, le film de Robin Sykes n’a rien pour faire envie, une bande annonce sans imagination, un titre et une affiche d’une banalité consternante et même un thème de départ (le road-movie entre deux personnes qui ne s’entendent pas) qui sent le formaté à plein nez. Mais il faut savoir parfois passer outre les idées premières pour se rendre compte que l’on peut parfois confondre banalité et sobriété. En fait, le film de Sykes fait mouche parce qu’il sait viser juste, il n’a pas la prétention de montrer la réalité de la maladie d’Alzheimer, ni de faire le focus sur des relations intergénérationnelles difficiles, « La Finale » n’est pas un film prétentieux au message trop appuyé, c’est un film qui parle au plus grand nombre mais sans être racoleur. Sykes a choisit le format court, à peine plus long qu’un match de football (moins de 90mn) pour ne jamais laisser l’intrigue s’empâter dans le pathos, pour ne jamais étirer une scène de suspens jusqu’à l’absurde. Bien-sur il n’évite pas quelques écueils
comme le match de basket qui se joue « au buzzer » (c’était trop tentant), les fugues du grand père pile poil aux mauvais moments,
l’exagération dans l’enchainement des situations qui tournent mal (la, on est au-delà de la loi de Murphy !), mais c’est de bonne guerre. Le film se suit sans ennuis, on entre très vite dans l’intrigue et on ne voit pas le temps passer jusqu’à une scène finale émouvante, mais émouvante comme il faut, sans aucun pathos. D’ailleurs, on sent qu’éviter le pathos a été la préoccupation n°1 des deux scénaristes, la réalité de cette maladie, que beaucoup d’entre nous ont connus ou connaitrons avec nos grands-parents, est tellement déchirante pour ceux qui n’en sont pas atteint qu’il est difficile d’en sourire, même au cinéma. Portant ici ça fonctionne, on sourit beaucoup, on se prend au jeu de ce couple grand-père-petit fils qui se connait mal et qui tente de s’apprivoiser mutuellement. La bande originale est sympathique, à tendance « musique urbaine » mais juste peut-être un tout petit peu trop forte. Au-delà de la maladie elle-même, qui est montrée sous un jour (légèrement) « aseptisée », « la Finale » est un film sur la famille et ses dysfonctionnements mais aussi un film sur l’amour du sport. Que ce soit le basket ou le football, les émotions suscitées par le sport sont montrées comme des marqueurs de cohésion familiale, ces émotions sont fortes et restent dans la mémoire familiale et la mémoire tout court. C’est le sport le plus petit dénominateur commun entre Roland et JB et c’est par cette voie qu’ils finissent par se trouver, et il n’y en avait aucune autre possible. Bien-sur, le scénario tourne, ronronne même un peu parfois, on sait très vite vers quoi on va se diriger, il n’y a pas de surprise, Sykes joue sur du velours et ne prends pas vraiment de risques. Peut-être, il aurait pu mieux croquer ses seconds rôles (très peu écrits), il aurait pu montrer la maladie aussi sous ses aspects plus douloureux et tenter une fin plus douce-amère que ce qu’il propose. Mais avec une scène de fin formidable, pleine d’une tendresse sans tire-larmes, il emporte finalement le match dans les arrêts de jeu ! Au casting, Rayane Bensetti (25 ans) interprète un adolescent. Même s’il fait le job et qu’il est même très bien, juste et qu’il rentre dans la peau de l’ado mi énervant-mi révolté avec facilité, on peut quand même trouver bizarre de choisir un acteur de presque 10 ans trop vieux pour interpréter un adolescent. Thierry Lhermitte, c’est un peu le contraire, on l’a connu si jeune qu’on a du mal à l’imaginer en grand-père victime d’Alzheimer ! Je ne suis pas très fans de Lhermitte, je trouve qu’en tant qu’acteur, il n’a jamais fait des étincelles à mes yeux, il n’a jamais pris de vrais risques. Mais je reconnais que dans « La Finale », il est très bien. Emouvant et drôle, décalé et ingérable,
il est parfait quand il découvre le plaisir coupable du Big-Mac, ou qu’il revit la finale de 1998 avec la même émotion qu’il y a 20 ans.
Et puis, il se fait plaisir en incarnant un type a qui la maladie a ôté tous ses filtres : réflexions racistes, réflexes misogynes, Alzheimer révèle parfois la nature profonde des gens et pas pour le meilleur ! En résumé, même si « La Finale » est un film sans surprise et sans prétention, il nous offre presque 1h30 de cinéma sympathique, bien fichu, avec du rire et de l’émotion dans des proportions subtilement dosées.