Tigre et Dragon est au wu xia pian et à l'arme blanche ce que Winchester 73 est au western et à l'arme à feu. Un film presque fétichiste, centré sur une arme qui constitue l'enjeu et le moteur dramatiques. Tout part de cette épée fabuleuse et autour d'elle se greffent des personnages, des convoitises, des amours, des haines...
C'était plutôt une surprise de voir Ang Lee se frotter à ce genre très codé du film d'arts martiaux chinois, lui qui avait plutôt oeuvré jusque-là dans le récit intimiste (Garçon d'honneur, Raisons et sentiments...). Disons qu'il a revisité le genre à sa manière, réalisant un film de combats doublé d'une fresque épique et sentimentale. C'est ce second aspect de l'histoire, témoignant d'une belle maîtrise de la narration, qui est surtout à mettre à son actif, le premier aspect (les scènes d'action proprement dites) étant l'oeuvre de Yuen Wo Ping, le roi de la chorégraphie d'arts martiaux. On lui doit donc les somptueuses chorégraphies de combats de Tigre et Dragon, merveilles de précision et de virtuosité, d'un raffinement aérien et surréel, d'une grâce qui touche à la poésie (par exemple, lors de la séquence finale, sur la cime d'une forêt de bambous). La réalisation, la photographie (cadres et couleurs), les effets spéciaux numériques, les décors et la musique sont au diapason, faisant de ce film un enchantement spectaculaire et lyrique. Une des plus belles réussites du genre, qui évite par ailleurs l'écueil de la surenchère d'actions, de l'agitation permanente et confuse, que l'on trouve souvent dans ce type de productions. Ang Lee a trouvé l'harmonie entre combats et lenteur contemplative, film grand public et film d'esthète.