Six saisons (et cinquante-deux épisodes) plus tard, nombreux (dont je suis) regrettaient la disparition du petit écran de la famille Crowley (et de sa domesticité pléthorique). Le récit reprend un peu plus d'un an après le dernier épisode (nous sommes donc courant 1927 - la future reine Elizabeth II a alors fêté son premier anniversaire...), mais pour deux heures seulement, et sur grand écran ! Le réalisateur du film avait déjà travaillé sur le "period drama" feuilletonné, le scénariste est le même, l'équipe technique aussi, la musique nous replonge d'emblée dans l'ambiance aristocratique et "so british" des années 20, et la scène sera presque uniquement dans les décors familiers du domaine, et du village de "Downton Abbey". L'argument est celui d'une visite royale inattendue, à l'occasion d'un déplacement officiel (et avec quelque pompe), celle du roi et empereur régnant (depuis 1911), George V (petit-fils de la reine Victoria), accompagné de la reine Mary de Teck (queen consort). Le domaine de lord Robert Crawley, comte de Grantham, se trouve en effet non loin de Harewood House, où résident la "princesse royale" Mary, seule fille des souverains, et son époux, le comte et pair du royaume, Henry Lascelles. Avant d'assister au bal prévu à Harewood, une étape de quarante-huit heures est prévue à Downton Abbey.
L'habituel découpage dramaturgique entre "upstairs" (les maîtres), et "downstairs" (les domestiques) va se trouver quelque peu chahuté par les pesanteurs du protocole (l'habitude étant que la maison royale suive, en mode abrégé, mais complet - dont cuisinier "frenchie", les voyages domestiques du roi - ce qui ne va pas du tout plaire au personnel du domaine, alors évincé, voire humilié). Cette première source de rebondissements se doublant, bien sûr, par quelques péripéties à l'étage noble
(Edith vient de découvrir qu'elle est enceinte, Tom fait des rencontres... multiples, Violet retrouve sa cousine et ennemie intime Maud.. il est même question d'un secret de famille..).
Même si le récit ronronne un peu, et n'a pas la vigueur, sur un thème comparable, d'un film comme "Gosford Park" (même époque, même milieu aristocratique, même opposition maîtres/domestiques - d'ailleurs écrit par le même Julian Fellowes, et avec la grande Maggie Smith dans les deux distributions) - mais n'était-ce pas déjà le cas avec la série ?... même s'il n'est pas question de comparer sérieusement Robert Altman et Michael Engler, ce dernier, américain comme lui, ne démérite pas avec ce passage au cinéma.
La forme est soignée, la reconstitution d'époque toujours pointilleuse, on se laisse embarquer avec bonheur pour un temps où l'Empire britannique jetait avec panache ses derniers feux, les interprètes savent nous intéresser à leurs petites (et grandes) histoires (à nouveau ici sur fond d'Histoire tout court) - ne boudons donc pas notre plaisir !