Le roi et la reine d'Angleterre, en visite dans le Yorkshire, s'invitent pour une journée à Downton Abbey. L'annonce bouleverse tout autant Lord Grantham, sa femme et ses filles que leur nombreuse domesticité. "Upstairs" et "downstairs", tous s'activent dans la perspective de la visite royale.
"Downton Abbey" a connu au Royaume-Uni d'abord, dans le reste du monde ensuite un succès universel. Succès universel ? Peut-être une analyse sociologique un peu fine révèlerait-elle un biais dans la population Wasp, blanche, urbaine et CSP+ - à laquelle j'appartiens et dont j'ai trop hâtivement tendance à généraliser les préférences socioculturelles. Mais ne nous arrêtons pas à ce point et posons cette prémisse : les 52 épisodes, les sept saisons de la série anglaise ont obtenu un succès universel. Qu'en faire ? Une huitième saison alors qu'on avait annoncé que la septième serait la dernière ? Délicat ? Une préquelle située dans le New York des années 1880 ? Julian Fellowes s'y est essayé dans l'indifférence générale : "Downton Abbey" loin de Downton Abbey, ce n'est plus "Downton Abbey" ! Du coup, la réponse s'est imposée aux producteurs : ils ont décidé de faire un film.
Ce n'est certes pas la première fois qu'une série télévisée est portée à l'écran : "Chapeau melon et bottes de cuir", "Charlie et ses drôles de dames", "Starsky et Hutch" ont connu (hélas) leurs adaptations cinématographiques. Mais ce "Downton Abbey", qui arrive cinq ans seulement après l'ultime épisode d'une série unanimement saluée, constitue un cas différent que les producteurs de "Game of Thrones", "Breaking Bad" ou "Les Sopranos" ont certainement examiné à la loupe.
Bien sûr, ce film offre le plaisir régressif de ressusciter les personnages avec lesquels on a passé de si longues heures devant sa télé ou son ordinateur. C'est bien le moins qu'on pouvait en escompter. On se rengorgera de bonheur et de nostalgie devant les sentences vipérines de Lady Violet, les toilettes sublimes de Mary Crawley, les irritations frisant l'apoplexie de Carson, le bon sens paysan de Mrs Patmore et les maladresses de Molesley. Quiconque n'aurait pas vu la série serait perdu ; mais peu importe : elle a eu un tel succès que les producteurs du film peuvent compter sur des millions de spectateurs.
Mais le scénario souffre d'un double défaut.
D'un part il est trop dense. Comme dans la série, plusieurs fils narratifs, principaux et secondaires, s'entrelacent : tandis que la visite royale se déroule et que les domestiques de Downton complotent pour ne pas en être tenus à l'écart, on suit les pas d'une camériste kleptomane, d'un plombier dragueur, d'un maître d'hôtel homosexuel et d'un terroriste irlandais. C'est beaucoup. C'est trop. Toutes ces histoires auraient pu fournir la matière d'une nouvelle saison de plusieurs épisodes. Mais , pressé par le temps, le réalisateur se voit obliger de les compresser en deux heures.
D'autre part, et c'est sans doute le plus grave, ces mini-histoires aux coutures trop visibles ne sont guère intéressantes, voire sombrent dans la mièvrerie. On attendait mieux de Julian Fellowes et ses acolytes qui, assurés par avance d'un public acquis à leur cause, n'ont guère forcé leur talent pour cet ultime coda.