Hors de question pour moi de rater mes retrouvailles avec ces vieilles connaissances que sont les Crawley et leur domesticité ! Je les ai retrouvés exactement comme je les avais laissé à la fin de la dernière saison de la série, ils étaient tous là, sans exception ou presque, et dés qu’à retenti dans la salle le célèbre générique, j’ai eu quelques frissons, je l’avoue. Première chose à régler d’entrer : peut-on voir et apprécier le film si on ne connait pas la série ? J’imagine que oui, mais on doit louper plein de choses, le scénario ne laissant pas beaucoup de marge à ceux qui débarquent vierge de toute expérience télévisuelle. Très peu d’éléments sont expliqués, des préposés que les familiers de la série connaissent bien, des détails certes, mais quand même. « Downton Abbey » sur grand écran, c’est un très long épisode supplémentaire, pas une cession de rattrapage. Ca peut, peut-être, donner envie à certains de mater la série après-coup, mais dans ce cas, le film aura dévoilé beaucoup trop de choses. En résumé ; c’est clair, le film est fait, calibré, scénarisé pour les fans de la série et comme ils sont nombreux à travers le monde, et bien cela va à coup sur fonctionner. Si vous n’y connaissez rien, ne commencez pas par le film, regardez la série en DVD et puis vous apprécierez davantage le film par la suite. Le film est réalisé par Michael Engler, qui avait déjà œuvré sur le petit écran avec la série éponyme. C’est un film mis en scène comme l’a toujours été la série, avec un montage dynamique, des décors magnifiques, une reconstitution hyper soignée, des costumes de folie (les robes de Lady Mary ont toujours été un éblouissement !), et un dosage savant et pointu entre l’humour, la tendresse et aussi parfois, une certaine gravité. C’est sur, si on veut voir des plans de « ouf », des travellings de folies ou des plans séquences cultes, il faut choisir un autre film. Ici, le maître mot, c’est efficacité et application, c’est l’école des séries TV et particulièrement des séries TV européennes. Michael Engler fait le job, proposant un film de 2h qui passe comme une lettre à la poste. D’ailleurs, je remarque le charmant générique de début, qui suit le cheminement de la lettre royale jusqu’au comte de Grantham. Tout le casting a répondu présent à la seule exception du personnage de Rose, partie s’installer aux Etats-Unis. L’action est censée se dérouler en 1927, deux ans après la fin de la série. Au sein de ce casting, je ne peux que saluer la performance de Maggie Smith, que les fans d’Harry Potter connaissent bien. Rien que pour ses punchlines trempées à l’acide et les vacheries qu’elle échange avec Isobel, le film mérite le déplacement ! Encore que cette fois, elle semble tomber sur un os avec le personnage de sa petite nièce Maud. Très peu de nouveaux protagonistes, la famille royale bien sur, quelque domestiques royaux très antipathiques et un anarchiste irlandais, mais sinon, c’est le casting de la série avec ses points forts (Maggie Smith, Michelle Dockery, Hugh Bonneville, Jim Carter…) et des points plus faibles (Allen Leech, Tuppence Middleton). Deux mentions spéciales supplémentaires, la première pour Kevin Doyle dans le rôle inoubliable de ce pauvre Monsieur Molesley et la seconde pour Rob James-Collier qui aura eu ici, comme dans la série, le rôle le plus complexe, le plus écrit, le plus délicat, celui du majordome Thomas Barrow. Le scénario du film a les mêmes qualités et les mêmes défauts que toute l’histoire de la série. L’intrigue principale est l’occasion de plusieurs sous-intrigues, une histoire d’héritage,
une petite guéguerre entre la domesticité royale et celle de Downton, une tentative d’attentat sur la personne du roi (probablement la sous-intrigue la plus faible et la moins crédible), les amours naissants de Branson et de Barrow, etc…
Evidemment que si on est allergique au petit côté « soap opéra » de la série, alors on trouvera que le film respire l’aristocratie et fric, le romantisme fleur bleue et l’Angleterre « cup of tea ». Le film, comme la série avant lui, n’est pas crédible en tout, c’est parfois un peu gros, un peu surjoué, un peu trop improbable. En fait, c’est comme une bonne grosse pâtisserie traditionnelle : c’est très beau de l’extérieur, on sait que ça va être un peu trop sucré, un peu trop lourd, un trop « tout » mais qu’importe, on mord dedans et on la termine en se léchant les doigts, un peu écœuré certes, mais drôlement content de l’avoir mangé. Bien-sur, voir des aristocrates anglais des années 20-30 se lamenter que leur vie devient compliquée parce que les temps changent, de voir des Républicains Irlandais ravaler un peu leur principes en faisant la révérence au Roi, de voir une domesticité heureuse et même fière de servir leurs maîtres, ça n’est pas très subversif ! Mais franchement, pour nous, républicains français, cela à un petit gout d’exotisme ! Et puis, les histoires qui finissent bien, les intrigues un peu à l’eau de rose, les sentiments nobles et l’humour so british, ça n’a jamais fait de mal à personne. Donc, en résumé, les fans de la série n’ont aucune raison de bouder leur plaisir. Souvent, une série adaptée au cinéma déçoit parce qu’elle s’imagine de renouveler en passant sur le grand écran. Ici, le principe était de faire un épisode géant pour les fans et pas autre chose. L’ambition était donc volontairement modeste, et modestement réussie.