Avec ‘Nightcrawler’, Dan Gilroy avait lancé un regard acéré sur l’Info-Entertainment et sur les sociopathes sans foi ni loi qui y trouvent le terreau idéal pour prospérer C’est à un autre microcosme, tout aussi peu reluisant, qu’il s’en prend cette fois, celui du marché de l’art moderne, ses expos opportunistes, ses galeristes sans scrupules, ses critiques se drapant dans leur probité pour mieux se vendre au plus offrant, ses coups bas, ses petits arrangements entre amis/concurrents et ses hordes de petites mains subalternes, prêtes à marcher sur des cadavres pour se tailler une part du gâteau. La différence principale est que Gilroy exploite ici les ficelles du Film de Genre pour asseoir sa démonstration puisqu’il est question de peintures inédites, dérobées à un vieil homme solitaire après sa mort par une galeriste indélicate, et qui vont enclencher une sorte de malédiction des pharaons transposée au milieu de l’art contemporain. Effectivement, les victimes périssent de façon brutale et plutôt inventive, la palme revenant au meurtre qui donne son titre au film. En parallèle, on a évidemment droit à une satire assez convaincante d’un secteur d’activité intégralement bâti sur du vide où, pour reprendre les termes d’un des personnages, on vend de l’image, pas des images. Le cynisme, la cupidité, l’hypocrisie, la superficialité caractérisent tous les protagonistes impliqués dans l’affaire et on n’éprouve pas la moindre empathie à l’idée de les voir massacrés par la vengeance d’outre-tombe d’un créateur lésé. Cette dualité est à la fois la force et la faiblesse du film : elle assure son originalité et son caractère atypique mais cette absence d’unité de ton donne l’impression qu’on regarde deux films différents, qui n’entretiennent guère de rapport entre eux….encore qu’entre la comédie sarcastique et le gore potache, le gouffre n’est pas si large : c’est juste que dans le cas présent, l’une est écrite avec un savoir-faire respectable, et que l’autre est filmé en vitesse, afin d’assurer la pitance mensuelle des fans de films d’horreur pas trop exigeants…