« Edmond » est une création théâtrale signée Alexis Michalik. Issue de son imagination. Une pièce qui se joue encore à l’heure actuelle et qui a obtenu 5 récompenses aux Molières. Adapter une pièce sur grand écran, en faire un objet cinématographique est toujours délicat. Je l’ai souvent répété, seuls des dialogues qui possèdent force, intensité et rythme sont sources d’adaptations réussies sur grand écran. Cela peut compenser une mise en scène minimaliste. Evidemment, il faut un metteur en scène de talent pour faire vibrer un grand texte. La question est-il de savoir si « Edmond » est un grand texte ? Je ne me prononcerai pas. En tout cas, Michalik est à la tête de sa création et celle-ci rend hommage à un grand auteur, Edmond Rostand qui a écrit un grand texte : « Cyrano de Bergerac ». Michalik porte ce projet depuis des années, il l’a monté sur scène puis le retranscrit sur pellicule. Etre récompensé de 5 Molières ne fait pas de lui un grand metteur en scène de cinéma. Mais il a l’avantage de connaître son bébé et lui seul est sans doute bien placé pour l’adapter. Pour commencer, « Edmond » draine beaucoup de monde, entendez beaucoup d’acteurs. Et on sent que la mise en scène d’Alexis Michalik n’est pas forcée. Le théâtre du Palais-Royal n’est pas le seul lieu. Sa caméra tourne, virevolte, s’anime comme un partenaire de scène. Elle est vivante et rapidement on est rassuré : ce n’est pas du théâtre filmé. Si d’aucuns reprochent les premières images de synthèses trop appuyées pour recréer un Paris fin XIXème siècle, il suffit de l’interpréter comme une fresque illustrant un décor. Elément inhérent au théâtre. Alexis Michalik intègre le processus de création dans la vie de l’auteur. Ainsi, ce sont entourage, amis, relations épistolaires, qui dans un restaurant, qui dans un bordel aideront Edmond Rostand (Thomas Solivérès) à écrire son Cyrano de Bergerac. Ainsi, la tirade du nez trouvera sa source dans un restaurant où Honoré (Jean-Michel Martial), un cafetier noir, expulsera un client suite à des propos racistes ; puis s’ensuivra un échange rapide entre Constant Coquelin (Olivier Gourmet) qui s’interrogera sur ce personnage de Cyrano dont le nez enlaidit son visage, posant des questions lapidaires avant d’entrer en scène. Ainsi, la scène du balcon sera jouée entre Edmond, son ami Léo (Tom Leeb) et sa conquête Jeanne (Lucie Boujenah). On peut louer le réalisateur de ne pas se répéter puisque ses sources d’inspiration ne seront pas filmées au moment de la Première, tout juste on entendra la tirade du nez, en off et à peine audible. Par contre, ces sources d’inspiration se répètent. Ainsi, à chaque sortie d’Edmond, comme par hasard, une réflexion, une conversation alimentent sa pièce. Une lourdeur qui passe bien. On peut s’amuser à penser que le réalisateur ne ménage pas Georges Feydeau. Edmond Rostand passe pour un ringard avec sa manie à écrire des pièces en vers alors que le théâtre s’émancipe avec les boulevardiers comme Courteline et Feydeau. Deux auteurs qui semblent vivre pleinement de leur art, contrairement à Edmond qui galère. Mais Alexis Michalik nous fait du boulevard avec Feydeau en arroseur arrosé. La scène de l’hôtel où Edmond rejoint Léo pour l’empêcher de tout révéler à Jeanne relève du théâtre de boulevard. On y voit un Georges Feydeau passer pour le dindon de la farce ! Coté interprétation, rien d’exceptionnel, on sent Olivier Gourmet gourmand, enthousiaste ; et Thomas Solivérès est presque méconnaissable avec cette petite moustache et ce jeu tout en retenu. Il est vrai cadré par un metteur en scène de théâtre. Un film sympathique et réjouissant. « Edmond » est la vision toute personnelle d’Alexis Michalik et peu importe les soi-disant repères chronologiques ou historiques. Jean-Claude Brisville a bien imaginé une soirée entre Fouché et Talleyrand dans le « Souper ». Alexis Michalik, bien renseigné, a imaginé l’éprouvant processus de création, à savoir créer Cyrano de Bergerac.