Edmond n'est pas le même film sa première demi-heure d'exposition à son heure et quelques restante. Débutant de manière bien maladroite sur un Paris en 3D qui défile heureusement rapidement (la texture est affreuse), il enchaîne les maladresses d'écriture en présentant des situations cocasses censées expliquer les origines de l'inspiration d'Edmond Rostand pour Cyrano de Bergerac.
Si l'on sourit au départ, on ne peut s'empêcher de se demander si ce sera comme ça tout le long, si Alexis Michalik aura besoin de reproduire toutes les scènes de Cyrano dans son film pour les expliquer, les réinterpréter et ne pas se fouler pour en inventer de nouvelles. Ce début paresseux multipliant quand même deux origines différentes de la scène de la tirade, et un passage de balcon placé dans l'intrigue de façon forcée, sert cependant, par son jeu d'acteurs outranciers et sa mise en scène virevoltante surprenante, à mieux s'imprégner de ce qu'on suivra plus tard.
C'est quand on aura compris la direction du film (et qu'il aura abandonné ses explications Deus Ex Machina des scènes de Cyrano) qu'on pourra apprécier tout ce qu'il fait de bien, sans plus se concentrer sur cette première demi-heure en demi-teinte qui se cherche encore. Dès qu'on s'intéressera vraiment à Edmond, et que seront lancés des personnages pensés pour être une nouvelle source d'inspiration à la pièce de Rostand, le film multipliera les scènes d'humour fameuses, à l'image de cet essai de Vaudeville croustillant en réception d'auberge, décapant par sa fraîcheur et sa direction absurde.
On pourra certes lui reprocher une histoire d'amour trop vite bâclée, notamment dans la gestion de son triangle amoureux (la douce Lucie Boujenah perdant de l'importance à mesure qu'avance la pièce et sa relation avec Edmond), ou un humour parfois trop potache à la morale douteuse (on aura vu plus fin qu'Igor Grotesman se dépucelant pour avancer dans la vie et connaître caractère d'homme imposant), ou même une psychologie des personnages qui, parfois, sert trop l'intrigue au grand dam des personnages, les fait évoluer pour que, finalement, tout se termine bien pour nos héros hauts en couleurs.
Mais que sont ces défauts face à la joie retransmise par cette caméra qui vole, qui trace, qu'on ne peut rattraper ou même suivre? Comment refuser une vision théâtrale menée à tambour battant qui fit l'impossible, remplacer Gérard Depardieu en Cyrano de Bergerac avec le panache d'un Olivier Gourmet tout en tragique et en grotesque? Il serait également une hérésie de passer outre le charme dévastateur de Boujenah, l'entrain contagieux de Thomas Soliveres (qui se rattrape très bien entre le départ et la fin du film, gagnant en nuances de jeu à mesure que le destin de son personnage se dessine) ou le charisme d'un Tom Leeb parfait en Christian?
Comment refuser, également, une Mathilde Seigner en roue libre donnant la réplique au fameux Olivier Gourmet, même si son personnage féminin sera gâché par la fin, censée mettre en lumière celle qui inspira véritablement l'auteur génial de la pièce (en tout cas, dans l'univers de Michalik)? Comment ne pas s'émouvoir de ce dernier plan d'ovation, où les difficultés crouleront sous les hommages de la foule et la révérence de la troupe, immortalisée en une image, la dernière, si bien composée qu'elle donne la nostalgie de ce qu'on vient de voir, et vend, avec un grand talent, la pièce d'Edmond et l'originale de Michalik?
Certes stéréotypé, Edmond, n'échappant pas au cahier des charges de la comédie française annuelle pour grand public, parvient à apporter sa petite pierre aux adaptations de pièce à l'écran, en transmettant un dynamisme incroyable à son spectateur, donnant l'impression d'avoir été composé dans un état second, pour ne pas dire dopé. Le résultat, s'il n'oublie pas de rentrer dans les carcans de son genre pour plaire au plus grand nombre (notamment par un humour qui manque de finesse et semble ajouté pour faire quantité, non qualité), aura eu le mérite de rafraîchir un mythe culturel national et de le faire découvrir, peut-être sous un jour nouveau, aux générations les plus jeunes.
C'est un joli projet.