L’homme-araignée est toujours dans une spirale chaotique, de droit et d’exploitation, quand bien même Sam Raimi s’est illustré comme un père fondateur de l’origin story super-héroïque. Puis Marc Webb a tenté de renouveler la saga, jusqu’à ce que Disney récupère les miettes pour faire du personnage une rock-star, sans histoire, sans identité secrète. C’est plus qu’un pas en arrière ce que ce dernier volet nous présente, en dépit de tout ce qui a déjà pu exister autour du tisseur de toile, toujours avec l’ambition du grand écran. Jon Watts est dans une machine qu’il ne contrôle évidemment plus, malgré les faux-airs de liberté qu’il possède, car en réalité, personne n’a les plein pouvoir sur le destin de ces divers héros en collant rouge. Le récit reprend alors exactement où il nous a laissé, au détour d’une révélation, de nouveau désamorcé en une poignée de minutes, car il n’y aura pas de procès pour le supposé meurtrier. La continuité n’est donc plus une obligation, mais un devoir qui vise uniquement la hype et le fan-service à gogo.
Comme nous pouvions le craindre en acceptant d’entrer en salle, c’est la déception. Et ce n’est pas une réplique chère au personnage de Zendaya qui viendra atténuer cette profonde amertume. On ne nous cache pas que le studio se la joue profanateur de sépulture, là où il avait lui-même déclaré l’échec des précédentes saga, toutes amputées au moment où le regain d’intérêt s’est fait sentir. C’est donc une ironie de retrouver des reliques du passé, afin de les confronter à un Peter Parker, à présent prêt à gagner en développement. Tom Holland hérite ainsi d’une performance qui épouse mieux cet esprit torturé de l’adolescent, en proie à ses fantasmes et à ses fantômes. Malheureusement, il sera difficile d’appréhender le scénario, sans heurter la conscience des plus patients. Toutefois, rien de ce que l’on verra ici ne sera nouveau, car malgré tous les efforts promotionnels et autres suppositions, on sentira cette allègre inspiration, voire du décalque du fabuleux film d’animation de Sony, à savoir « Spider-Man : Into the Spider-Verse ».
Ce n’est plus une surprise, de la bande-annonce à l’affiche évocatrice, on nous donne rendez-vous pour un méli-mélo audacieux. Tout le potentiel du multivers s’installe autour d’un personnage clé de l’industrie Hollywoodienne, mais on prend le risque de trop tirer sur les cordes, jusqu’à ce qu’il ne reste que des marionnettes, à découvert. Hélas, la trop grande galerie de personnages oblige la direction à en laisser dans l’ombre, parfois littéralement, pour mieux laisser de place aux tourments d’un jeune universitaire, qui ne sait pas comment gérer sa crise identitaire. C’est avec l’appui de ses camarades, sa tante et de nouveaux compagnons de voyage qu’il trouvera sans doute les réponses à sa misère. Mais avant cela, on se laisse distraire par un duel avec un Docteur Strange très conservateur, mais terriblement efficace. Au-delà de ça, c’est le néant artistique et de mise en scène. Une toile après l’autre, l’émotion s’efface ou ne parvient jamais à exister très longtemps. C’est toujours l’humour mal placé, même dans ce registre plus tragique et intime, qui aura le dernier mot et qui justifiera toute la faille dans la singularité Marvel de ces dernières années.
« Spider-Man : No Way Home » a ouvert trop de portes à la fois pour qu’il puisse gérer avec dignité, cette abondance de plaisir, qui ne rime alors plus qu’avec un trop-plein de désillusion. On préférera se tortiller dans les dernières minutes pour se rendre compte comment le pont avec les univers de Sony est d’une incroyable absurdité, ou encore comment il serait possible de croire en un nouvel espoir chez un renouvellement d’un Peter plus ténébreux et moins loquace. C’est un paradoxe qui tranche avec ce qu’on l’on nous avait habitués, mais pourquoi pas ? Dommage que l’on s’y intéresse un peu plus dans sa conclusion ouverte, prometteuse de nouveau. Rien n’est à l’abri d’une autre défaillance, mais la réponse ne sera pas pour tout de suite.