Suite spirituelle d’un “Château des singes’ sorti il y a une vingtaine d’années, ‘Le voyage du prince’ ne nécessite toutefois pas d’avoir vu ce dernier pour être apprécié à sa juste mesure : d’ailleurs, l’histoire du nouveau venu repose sur un mécanisme plus ou moins similaires. Cette fois, c’est le Prince-singe du film d’origine, celui qui avait découvert à l’époque que des créatures qui lui ressemblaient vivaient dans la canopée, qui se retrouve captif, au terme d’une expédition militaire, de scientifiques simiesques, qui vont l’étudier dans l’espoir de démontrer que d’autres êtres intelligents vivent de l’autre côté de la mer et qu’ils ne sont donc pas seuls au monde. Après un ‘Louise en hiver’ contemplatif, Jean-François Laguionie renoue donc avec les univers imaginaires, même si on est loin de pouvoir qualifier ce spécimen de “dessin-animé d’aventures”. Au-delà d’une esthétique pleine de charme qui n’appartient qu’au réalisateur, le principal intérêt du ‘Voyage du prince’ réside dans son approche philosophique de la découverte de l’altérité et dans la notion, qui résonne fortement dans l’actualité, de la peur comme instrument de contrôle social. Cette approche, qui ne se transforme heureusement jamais en leçon de morale, se trouve encore renforcée par la dichotomie historique entre le Prince et ses geôliers : si le premier est issu d’une civilisation de type Renaissance, avide d’un ailleurs riches en promesses de nouveautés, les seconds vivent comme des assiégés dans une cité qui évoque la fin du 19ème siècle, convaincus de leur supériorité morale, technologique et culturelle, et enfermés dans un cycle infernal de production/consommation. Apaisé et réfléchi mais tirant parfois en longueur, ce voyage, pensé à hauteur de spectateurs d’une dizaine d’années, permet de se poser et de réfléchir en douceur à des concepts essentiels, certes pas inédits dans l’animation, mais qui ne sont pour une fois pas noyés sous des péripéties frénétiques.