« Guy » est un film « à la manière de… » réussi selon moi. Guy Jamet est une ancienne vedette de la chanson des années 60, 70 80. Un contemporain de Claude François, d’Herbert Léonard, de Michel Delpech, d’Hervé Vilard et j’en passe. « Guy » est un concassé de ces chanteurs qui ont eu le bonheur de connaître que 3 chaînes de télévision et 4 stations de radio qu’ils ont régulièrement mobilisées. Puis peu à peu ils s’effacent devant les radios libres, les nombreuses chaînes du câble, du satellite. Guy Jamet aurait pu exister ou alors il existe à travers ces chanteurs relégués, dépassés par les firmes musicales business ; qui n’ont pas su se renouveler faute de fans supplémentaires et qui résistent en proposant des tubes anciens qu’ils croient à tort ou à raison indémodables. Plutôt à raison. Combien sommes-nous parfois à nous surprendre à siffloter ou à fredonner une mélodie simple ? Une mélodie qui, en son temps nous polluait notre journée. Un mélodie nunuche avec des paroles niaises, naïves, simples. Et pourtant, Joe Dassin disait combien il était difficile d’écrire une chanson soi-disant « simple ». La plupart du temps, ces chansons « simples » étaient des succès. Avec le temps, avec l’âge, sans qu’on s’y attende, sans même l’expliquer, une chanson simple vous frappe soudainement l’esprit parce qu’elle évoque une situation précise. Cette chanson ranime la mémoire, et devient par la grâce de l’âge lourde de sens. Une chanson cruellement rattachée à votre jeunesse. Alex Lutz nous créé un personnage, un chanteur avec tout son historique ; sa période cheveux longs, moustache etc. On oublie que l’on est devant un personnage de fiction. C’est comme l’acteur réalisateur, on l’oublie tant son personnage, tant ce vrai faux documentaire est d’un réalisme troublant. C’est un film empreint d’une douce et amère mélancolie. La tirade de fin est bouleversante de vérité. Avoir fait la « Une » durant tant d’années, avoir donné du bonheur à tant de fans, avoir des chansons qui font partie de la mémoire collective, avoir été un nom, est-ce l’assurance d’être inscrit dans l’éternité ? Est-on sûr que Nino Ferrer, Alain Chamfort, Robert Charlebois, Adamo voire même Johnny Hallyday, Michel Sardou ou Serge Lama, Charles Aznavour seront cités dans 300 ans ? 300 ans c’est ce qui nous sépare de Beethoven, de Mozart, De Haydn, de Bach par exemple. Leurs oeuvres perdurent. Pour combien de temps encore ? Mais que pèseront ces chanteurs comme Guy Jamet qui recyclent leurs succès sur des paquebots, dans des salles intimes, qui bataillent pour refuser l’oubli, dans 300 ans ? Même dans cent ans ? Un film sur l’identité, sur la mémoire, sur l’héritage, sur la trace que l’on veut laisser. Sur l’humilité aussi.