Ce qui est certain, c’est que le film de Pierre Schoeller ne manque pas d’ambition, et l’ambition dans le paysage cinématographique français de 2018, c’est déjà un sacré bon point ! S’attaquer à la Révolution Française, pour un cinéaste, c’est un énorme défi. Il faut soigner sa reconstitution, ce qui demande des moyens considérables et puis surtout, il faut choisir un angle. A mois de vouloir faire une immense fresque historique qui durerait des heures et serait didactique, presque scolaire, il faut impérativement choisir un angle. Pour Schoeller, ce sera la Révolution vue sous l’angle du Peuple, enfin, du Peuple Parisien car du peuple de province, il n’est jamais question. Soit, c’est un choix éminemment intéressant et ô combien respectable mais est ce que cela donnera au final, un bon moment de cinéma ? Si on ne connait de la Révolution que les grandes lignes apprises à l’école républicaine, parviendra-t-on à se sentir concerné par ce bouillonnement d’idées et cet ouragan politique qui changea la face de l’Europe ? Pierre Schoeller livre un film de deux heures qui, techniquement, est tout à fait maitrisé. Une belle photographie, une utilisation intelligente du hors champs (la Prise de la Bastille, uniquement suggérée sous l’angle du son), du son (la scène de l’acouphène), des plans soignés, et surtout une reconstitution très juste du Paris de 1789, Pierre Schoeller, avec les moyens qui sont les siens, livre un film visuellement soigné et accompagné d’une musique omniprésente (les chants révolutionnaires sont nombreux) et bien utilisée. On peut regretter quand même quelques petites choses : un découpage chronologique un peu scolaire, quelques scènes un peu pompeuses, quelques dialogues un peu sur-écrits mais surtout une scène à la limite du grotesque. En rêve, Louis XVI voit Louis XIV, Henri IV et Louis XI lui reprocher ses faiblesses et l’accabler d’injures, dans un style théâtral improbable et qui pourrait presque prêter à sourire, alors que ce n’est pas du tout le propos. L’intérêt de cette scène reste à me démontrer et n’apporte pas grand-chose à la psychologie d’un personnage pourtant interprété avec talent par un Laurent Laffite qui tente de donner de l’épaisseur à un roi injustement traité par la mémoire historique. De cet immense casting de star, trop nombreux pour les citer tous, on s’attarde fatalement sur lui, puisqu’il incarne à lui seul une des deux composante du titre. Je regrette que Pierre Schoeller ait beaucoup filmé le Peuple mais bien peu son Roi. Si le sujet de son film était les relations entre le Peuple et Louis XVI, pourquoi un tel déséquilibre, doit-on y voir un certain parti-pris ? Quand vous avez un casting 4 étoiles avec tant de stars, l’écueil est que toutes veuillent LEUR scène, et Pierre Schoeller a un peu cédé à ce défaut. Denis Lavant en Marat exalté, Louis Garrel en Robespierre intransigeant, Niels Schneider en Saint-Just, Gaspar Ulliel en voleur trouvant la rédemption dans le combat politique, Adèle Haenel en révolutionnaire féministe, Céline Sallette en passionaria, tous veulent exalter leur personnage. Ils le font remarquablement bien, sauf qu’à force de paraître exaltés, ils finissent par donner une impression un peu étrange, un peu désincarnée, comme s’ils évoluaient dans un manuel d’Histoire du début du siècle. Depuis la fin de la séance, je cherche en quoi « Un Peuple et son roi » m’a déçu et je crois que c’est par là que je dois chercher, le film de Pierre Schoeller montre une Révolution populaire monolithique, un peuple de Paris emporté par le tourbillon du « toujours plus », toujours plus d’idéaux, toujours plus de revendications, toujours plus de violence. Je ne crois pas que le peuple de Paris ait été un seul bloc, mais qu’au contraire à l’image des débats révolutionnaires, il était divisé, perdu, sans repère et surtout plus préoccupé par la faim que par de belles phrases théoriques sur la Liberté et l’Egalité. Il y a un petit côté théatral dans ce film qui me dérange. En revanche, je souligne que toutes les scènes d’Assemblée sont remarquables pour une raison toute simple : elles sont d’une fidélité presque totale aux discours detenus par les Archives Nationales, elles ne sont pas imaginées par un scénariste de 2018, et toutes ces scènes en deviennent fascinantes. La fuite en avant vers la violence, vers la Terreur, on la sent et on la comprend bien mieux pendant ces scènes là qu’en filmant un peuple de Paris qui finit par paraitre inexplicablement assoiffé de sang royal. D’ailleurs, les scènes de liesse après l’exécution de Louis XVI me laissent dubitative, car je ne suis pas absolument certaine de leur véracité historique. « Un Peuple et son Roi », film ambitieux, a de vraie belles qualités et des défauts indéniables, il montre la Révolution Française en tentant d’y amener la nuance qu’il convient, sans toutefois y parvenir. En fait, quand on connait un peu l’Histoire Contemporaine on sait qu’il y a autant de vision de la Révolution que d’Historiens, aucune autre une période n’est aussi clivante, aussi chargée en idéologie et chaque historien, chaque citoyen, est tenté d’y voir ce qu’il veut y voir. J’imagine que Pierre Schoeller à filmé sa Révolution Française à lui, c’est sa vision, et l’on n’est pas obligé d’y adhérer en tout.