Des films sur la Révolution française, Louis XVI et son Autrichienne, la fuite à Varennes, Danton et Robespierre..... on en a vu plus qu'un évêque ne peut en bénir!
Mais le point de vue de Pierre Schoeller est original, et intéressant. Il s'agit de voir la personne du Roi.... à travers l'oeil du petit peuple de Paris. A ce moment, tout le monde croit en Dieu, à part quelques intellos -et encore! rien ne permet de douter de la sincérité de Voltaire lorsqu'il parle du Grand Architecte, celui qui permet à la terre de tourner rond comme une aiguille de montre. Donc, il y a Dieu. Et le Roi est le représentant de Dieu sur terre. Donc, intouchable. Vous me direz: les anglais avaient déjà fait couic à leur Charles.... oui mais les Anglais sont protestants! ils ont un rapport différent à la hiérarchie. Il suffit de voir comment les Rois-citoyens sont acceptés dans les pays nordiques. Le film a donc pour ambition de montrer comment, petit à petit, Capet est passé d'intouchable.... à guillotiné.
Pour cela, le réalisateur nous propose une succession de focus sur des grands événements, entre la prise de la Bastille et la décapitation de Louis. Spots plus ou moins longs, mais qui empêchent de saisir l'évolution des mentalités et des personnages. Donc, de ce point de vue, on peut dire que c'est un film raté, eu égard aux intentions de Schoeller. Inutile d'y traîner vos ados pour qu'ils aient une leçon d'histoire: ils ne comprendront rien.
C'est magnifiquement filmé, avec des effets de contre jour à la Caravage; le dialogue est souvent tiré des documents d'époque, comme l'épatante scène où les députes de la Convention viennent, un par un, à la tribune, voter la mort ou le bannissement. Cette scène là, on aimerait qu'elle dure beaucoup plus longtemps.
Sans doute pour plaire à l'air du temps, Schoeller a fait la part belle aux femmes. On ne voit qu'elles! Allons allons, les tricoteuses qui faisaient la queue au Tribunal révolutionnaire pour applaudir aux condamnations à mort n'occupaient pas toute la tribune..... On en voit donc un peu trop, largement dépoitraillées, tous cheveux flottant au vent, à commencer par Françoise, interprétée par Adèle Haenel, plutôt convaincante, comme d'habitude, dans ce rôle de pétroleuse exaltée. On n'en dira pas autant de son compagnon, Basile (un marginal sauvé du pilori par un brave curé qui croit à la fraternité), rôle envahissant et dépourvu de tout intérêt qui permet de mettre en valeur le mignon minois de Gaspard Ulliel. A part cela, à quoi sert il? Supprimez son personnage, vous aurez du temps pour rendre explicites certaines situations historiques! Non, et c'est bien dommage, le seul personnage fort parmi le peuple est celui interprété par Olivier Gourmet, maître verrier qui accueille chez lui, avec son épouse (Noémie Lvovsky) toute une maisonnée de nièces (dont Françoise). On voit le personnage, plutôt adepte de l'ordre et de la loi au début du film, prendre une conscience révolutionnaire au fil du temps, en particulier après la fusillade du Champ de Mars où La Fayette fait tirer la Garde Nationale sur des manifestants pacifiques réunis à l'appel du Club des Cordeliers (Denis Lavant est un Marat exagérément caricatural). A ma grande surprise..... mon coup de coeur est, qui l'eut cru, pour Louis Garrel, donc je déteste en général les afféteries, mais qui est ici un Robespierre des plus convaincants!
Quant à Laurent Lafitte, il est un roi opaque, incolore, qui ne prend de décision qu'acculé, alors qu'il est déjà trop tard. Un non-personnage. Pas du tout travaillé, creusé, investigué, ce qui eût été la moindre des choses!.
Un demi ratage donc, malgré des qualités filmiques évidentes. Je pense que Schoeller n'a pas eu les moyens de ses ambitions. Eh oui, Pierre, c'est sacrément plus facile de filmer nos minables petits politicards modernes et leurs minables petites ambitions... que de filmer un peuple en marche vers ce qui est, in fine, la mort de Dieu!