Les réalisateurs du documentaire, Pascal Hennequin et Sandra Blondel, racontent leurs parcours respectifs
"Avant de commencer à réaliser des films, j'ai travaillé pendant 5 ans dans l'organisation et les systèmes d'information. En tant qu'ingénieur j'ai travaillé notamment à la mise en place d'un nouveau système d'information reliant les usines aux directions commerciales d'une grande marque française … J'ai été au coeur du système capitaliste. Et puis au début des années 2000, j'ai rencontré Sandra qui finissait des études de lettres à Paris III et qui avait commencé à faire des documentaires avec des copains de fac. Je faisais déjà de la photo de mon côté depuis 10 ans et nous avons décidé de monter un premier projet de film sur le commerce équitable et j'ai quitté mon job pour partir pendant neuf mois tourner dans des coopératives de Madagascar, du Sri Lanka et du Pérou. À notre retour, nous avons monté une association de production Fokus 21 pour continuer dans cette voie", confie Hennequin.
"Au départ, nous étions plus intéressés par la question de la réappropriation citoyenne de l'économie (les circuits-courts, les monnaies locales. etc.) Quand nous avons commencé le tournage d'Irrintzina nous connaissions très mal la question de l'urgence climatique et de l'effondrement écologique que nous sommes en train de vivre. " Ce qui nous intéressait au départ, c'était les modes d'organisation et la stratégie de Bizi! l'organisation basque à l'origine du mouvement Alternatiba. Notre premier "oh my god point" comme dit Pablo Servigne que l'on cite dans le film, nous l'avons eu en janvier 2015 en entendant Jon Palais parler pour la première fois de la “fin de l'Holocène”." Edgar Morin parle très justement d'"aveuglement paradigmatique". C'est ce que nous avons vécu. Nous vivons isolés, hyper spécialisés dans des champs très spécifiques et avons du mal à construire une vision globale. Le problème est systémique. Il faut donc changer de système. C'est le message du mouvement Alternatiba", explique Blondel.
Le réalisateur Pascal Hennequin revient sur la genèse du projet Irrintzina :
"Fokus 21 fait partie de la Fédération de l'Audiovisuel Participatif qui organise tous les ans un séminaire pour ses adhérents. En 2014, c'est la télé locale Kanaldude qui organisait le séminaire au Pays Basque. Ils avaient invité Bizi ! pour nous présenter les mobilisations prévues à l'occasion de la COP21. Bizi ! était à ce moment là en pleine campagne pour faire sortir la Société générale du financement du projet de mine de charbon en Australie Alpha Coal et nous a conviés à filmer une de leurs actions : des (faux) kangourous envahissaient devant nos objectifs une agence de la Société Générale à Bayonne et menaçaient de revenir déverser 1 tonne de charbon si la banque ne se retirait pas du projet. Un mois après, ils déversaient ce charbon devant l'entrée de la banque... Ce qui a fini de nous convaincre de raconter cette histoire de personnes déterminées, créatives et non violentes !"
Le cinéaste Pascal Hennequin explique la manière dont il a travaillé avec sa co-réalisatrice, Sandra Blondel :
"Sandra a fait une partie du son et le montage et moi l'image et le son. Nous avons aussi travaillé la production du film car nous sommes une toute petite structure où la polyvalence est nécessaire. Notre équipe a fait appel parfois en deuxième ou troisième équipe de tournage à une vingtaine de techniciens issus de médias dits "Pas Pareils", alternatifs, citoyens, ... bref, plutôt libres mais disposant comme nous de peu de moyens. Nous avons aussi récupéré des rushs d'autres vidéastes pour certaines séquences d'actions. Grâce à un financement participatif de 1 258 géniaux et généreux contributeurs, nous avons levé environ 50 000 euros et avons pu payer plusieurs techniciens (monteur, mixeur, étalonneur) pour finaliser le montage et faire la post-production. Pour ce dernier film, nous avons travaillé une nouvelle fois avec le compositeur Romain Desjonquères qui signe là sa troisième collaboration avec nous."
Pascal Hennequin et Sandra Blondel ont suivi pendant 2 ans les militants de Génération climat :
"Nous avons été épatés par la créativité, l'audace, le courage et la détermination de ces militants. Certains militants prennent des congés sans solde pour participer aux campagnes et aux actions ou font ça sur leur temps de vacances. D'autres ont tout quitté pour ne faire que cela pendant quelques temps. Les profils
et les âges sont très variés, la génération climat c'est nous toutes et tous ici et maintenant ! À leur contact, nous avons réussi à dépasser nos propres limites, nous avons participé pour la première fois à des actions de désobéissance civile, réussi à tourner dans des conditions très dures et faire face aux forces de l'ordre. C'était épuisant de les suivre sur 5600 km sur les routes de France et d'Europe (de nombreux plans ont été tourné sur un vélo), dans leurs actions de fauchage de chaises et contre les multinationales des énergies fossiles, pendant la COP21", relate Sandra Blondel.