Le documentaire de Clara López & RubioJuan Pancorbo revient sur l’affaire « Julian Assange » et ses divulgations sur le site WikiLeaks, qu’il a fondé et à travers lequel, le journaliste australien dénonce les exactions des gouvernements aux quatre coins du globe.
Si vous êtes un incollable sur toute cette affaire, vous n’apprendrez absolument rien de nouveau ici, le film se contente de revenir en profondeur sur toute cette terrible affaire, celle qui a transformé Julian Assange de simple journaliste en bête noire des États-Unis.
Hacking Justice (2021) revient en détail sur cette incroyable machination, où tout commence en 2010 lorsque Julian Assange publie sur son site WikiLeaks des informations classées secret défense, obtenues par Bradley Manning (devenue par la suite Chelsea Manning), un ancien analyste pour le compte de l'armée américaine. Ces divulgations font l’effet d’une bombe dans le monde entier puisqu’elles révèlent des crimes de guerres commis par les USA en Irak et en Afghanistan.
Au même moment, Assange se verra être accusé de délit sexuel en Suède, cette dernière demande son extradition alors même que les USA en font de même. Le film revient étape par étape sur ses conditions de « prisonnier politique » (puisque c’est ainsi qu’il faut le reconnaître), lorsqu’il trouvera refuge au sein de l’ambassade d'Équateur à Londres (où il y vivra reclus entre 2012 & 2019, pire qu’une cellule de prison où la ballade est tolérée, Assange est assigné à résidence et ne peut sortir sous peine de se faire arrêter par la police, il ne verra presque jamais la lumière du soleil pendant toutes ces années). Pendant tout ce temps, les États-Unis et ses alliés tenteront tant bien que mal de faire extrader Assange, la police britannique envisagera même de donner l’assaut au sein de l’ambassade pour l’extirper. Il faudra attendre 2019 pour que la justice suédoise classe l’affaire et abandonne toute charge contre lui après d’innombrables ratés judiciaires (on dira même que la justice suédoise aura été pendant toutes ces années instrumentalisées par le Royaume-Uni, pour le maintenir sous mandat d'arrêt).
Pour sa défense, Assange peut compter sur l’avocat Baltasar Garzón, ex-juge barcelonais, célèbre pour avoir poursuivi Augusto Pinochet et voulu en faire de même avec le dictateur Franco avant que le gouvernement espagnol ne lui mette des bâtons dans les roues. Hélas, Assange ne sera pas en sécurité bien longtemps dans sa prison dorée, à la suite des élections présidentielles en Équateur, Lenin Moreno le successeur de Rafael Correia retirera l’asile politique accordé à Assange, la police britannique en profitera pour l’arrêter, c’était en avril 2019. Depuis, il est incarcéré dans une prison de haute sécurité et ce, malgré l’avis défavorable du rapporteur spécial de l’ONU qui y dénonce des actes de tortures. Julian Assange encourt 175 ans de prison s’il est extradé sur le sol américain, en attendant que le nouveau verdict soit rendu (courant 2022).
Le film permet de mettre en lumière tout le travail orchestré dans l’ombre par WikiLeaks, Assange et toute son équipe. Ce film rappel à quel point la liberté de la presse doit être protégée et défendue, au même titre que les lanceurs d’alerte.
Voici un film essentiel pour quiconque s'intéresse à la liberté d'information et au sort qui lui est réservée. Ce film nous permet de mieux comprendre cette affaire longtemps ternie par cette pseudo affaire de viol qui s'est avérée ne pas en être une. Le travail des réalisateurs Clara López Rubio et Juan Pancorbo a débuté en 2012, ainsi cela nous permet de mieux comprendre ce qui s'est passé, ce qui se passe, les enjeux politiques de la justice, les enjeux politiques de la liberté d'informer. Julian Assange incarne tragiquement la répression réservée à ceux qui mettent à jour la vérité, et font savoir. Tant que Julian Assange dont la vie est gravement mise en danger par l'enfermement et ses conditions de détention, nous sommes tous "incarcérés". Ce film, qui nous permet, tout comme ses réalisateurs d'être au plus près de lui, nous donne à voir au fil du temps, la démolition d'un homme, la démolition de la liberté d'informer. Voir ce film et le donner à voir, c'est la moindre des choses, une manière faire vivre cette histoire, cet homme en dehors de barreaux. Un documentaire, dans toute sa splendeur, quand il nous remue ainsi.