Il m’a fallu deux étapes pour digérer ce film. Comment ne pas penser à l’oeuvre de Carpenter « Le village des damnés » ou à « Melancholia » de Lars von Trier. « L’heure de la sortie » est aussi empreint de mélancolie, d’une mélancolie sombre voire noire. Une noirceur un peu naïve diront certains au regard des images récoltées sur DVD par ce groupe d’ados. Justement, ce sont des ados, et ils ont beau jeu de se la péter parce qu’ils sont doués, matures, qu’ils le veuillent ou non, ils ont aussi une grande part de naïveté. Ce sont encore des enfants avec des phrases toutes faites, des idées pré-mâchées. Cela dit, leur comportement peut impressionner, Apolline en tête, que ce soit au sein de l’établissement scolaire et surtout entre eux à l’extérieur comme dans la carrière, lieu de rendez-vous, de partage, de réflexion, d’entraînement. Si le comportement de ces ados surprend, si on partage les mêmes interrogations et les mêmes inquiétudes que Pierre (Laurent Lafitte) seule la musique apporte une ambiance anxiogène. En effet, j’avoue avoir été capté dès le début mais au fur et à mesure que le récit avançait, mon attention se diluait pour s’effondrer à la toute fin : « J’ai collapsé » ! Voilà ma première étape. Je m’interrogeais sur le pourquoi du suicide du premier professeur, sur le vol de l’ordi à même l’appartement de Pierre, par exemple. Interrogations restées sans suite. A moins que le réalisateur se soit appliqué à disperser le spectateur que je suis. Pour revenir à cette fin, je l’ai trouvée un peu facile sur le moment. Comme par hasard,
l’explosion d’une centrale nucléaire pallie le suicide collectif manqué du groupe des six
. Pourquoi pas me suis-je dit par la suite en laissant mûrir le film dans mon esprit ? Car à bien y réfléchir, l’homme maltraite notre planète ; des cris, des appels à son secours ne sont pas toujours pris au sérieux. Notre groupe d’ados crie, interpelle à sa manière. Devant la surdité des pouvoirs publics, des politiques, de leur entourage, ils n’ont pas trouvé nécessaire de rejoindre les voix qui s’élèvent. Elles restent sans réponses, c’est pourquoi, ces ados ont opté pour le renoncement. Et pour s’y préparer, ils s’entraînent à ne plus rien ressentir car leurs émotions ne seront pas entendues et surtout c’est synonyme de faiblesse. Ne rien ressentir, c’est affronter l’inéluctable sans crainte, sans peur… un peu comme ces terroristes, ces kamikazes qui sacrifient leur vie au nom d’une idéologie radicale. Et pourtant, un des éléments du groupe va craquer au moment où Pierre se présente devant le bus en route vers le précipice ; et plus tard, avec Apolline :
quand la centrale explosera
, Pierre qui se placera derrière le groupe sentira la main d’Apolline serrer la sienne. J’ai même perçu de la peur dans le regard du groupe. L’inéluctable est là, devant leurs yeux, le groupe ne bougera pas et pourtant cette main d’Apolline dans celle de Pierre exprime une émotion. Enfin ! Mais devant la catastrophe, c’est trop tard. Donc cette fin qui me paraissait facile, comme un cheveu sur la soupe - pas téléphoné puisque je ne m’y attendais pas -, est là pour illustrer ce que je viens éventuellement d’exprimer sur le changement subtile du groupe. Elle justifie et donne raison à ces ados : à quoi bon lutter ? A la question « que faire plus tard ? », quel intérêt de répondre ? Serveur dans un restaurant, sans vouloir faire injure à tous les serveurs, n’est pas du tout une perspective d’avenir gratifiante pour de tels élèves. Peu importe : il n’y aura pas d’avenir pour ces élèves. Là aussi, à quoi bon se projeter ? Il fallait une réponse, inutile d’envisager le meilleur. Ce qu’ils avaient envisagé a fini par avoir lieu. Un thriller fantastique ? Pas vraiment.
Tchernobyl et Fukushima sont des précédents sur lesquels s’appuie le réalisateur Sébastien Marnier
. Voilà un film où il m’a fallu du temps pour l’apprivoiser. D’ou cette deuxième étape.