J’avais beaucoup aimé le précédent film de Stéphane Marnier « Irréprochable », qui dépeignait la psychopathie ordinaire de manière glaçante. D’ailleurs, ici, on est plus ou moins dans le même registre. Le film a les mêmes qualités que son film précédent, il est très maîtrisé dans sa forme. Stéphane Marnier joue sur l’ambiance, le décor et la musique pour distiller l’angoisse, scènes après scènes. C’est une angoisse sourde, jamais spectaculaire, toujours à flirter avec le malaise sans jamais trop en faire, trop en dire ou trop en montrer. Le film est parsemé de plans de coupe ou d’arrière-plans qui mettent vaguement mal à l’aise : une ligne à haute tension qui grésille, un soleil de plomb qui met les nerfs à vif, une centrale nucléaire au loin, une poubelle qui déborde en pleine forêt,
des animaux qui se comportent étrangement
,… Certes, pour distiller une ambiance de fin du monde ca aurait pu être plus subtil mais force est de constater que, subtil ou pas, ça fonctionne. La musique est très intéressante, électronique, parfois un peu à contre emploi, elle joue son rôle elle aussi dans la partition du malaise que joue Stéphane Marnier tout au long de son film. Pas trop long, bien calibré, avec juste quelques scènes un peu trop étranges (les cafards) ou un peu trop longues (la chorale) mais dans l’ensemble, le thriller fonctionne bien. Laurent Laffite y incarne un professeur remplaçant un peu solitaire, sportif, visiblement hyper sensible et qui très vite, comprends qu’il se trame quelque chose de bizarre dans cette classe. Il est très bien, très juste comme toujours et assez crédible dans son rôle de professeur de français mal dans sa peau
(il est gay et visiblement amoureux de son meilleur ami, un pur hétéro)
. Les adolescents, en face de lui, mettent immédiatement mal à l’aise et de façon très simple, voire simpliste : ils ne sourient jamais, absolument jamais, même quand ils sont entre eux. C’est une façon assez simple de distiller l’angoisse, pas la plus subtile là non plus mais qu’importe, là encore cela fonctionne. Les jeunes acteurs, du coup, ont le jeu monolithique qu’on leur demande, et ils le font très bien, rien à dire. On regrette juste que les seconds rôles comme celui d’Emmanuelle Bercot ou de Pascal Gregory soient un peu sous-écrits et sous-exploités, c’est d’autant plus dommage que l’on sent chez eux aussi une forme de névrose qui nous laisse un peu sur notre faim. Sans vouloir déflorer l’intrigue du film et surtout sa fin terrifiante (mais qu’on voit arriver d’assez loin quand même…), on peut s’accorder à dire que le scénario nous dépeint surtout une génération, celle des gamins qui ont 15 ans aujourd’hui et qui sont très exposés au pessimisme ambiant. Dans le cas de « L’Heure de la Sortie », il s’agit de surdoués mais au-delà deux, c’est une génération imbibée de peur qui est la leur : peur de la pollution et du réchauffement climatique, peur des attentats, peur du chômage, peur de tout. Aujourd’hui les gamins font, dans les collèges, des exercices « d’intrusion de terroristes » : vider les tables, s’accroupir contre le mur, couper leur portable, ils ont intégrés cette menace là dans leur quotidien. Cela à quelque chose de désespérant je trouve… Les surdoués du film, qui ont des prénoms d’enfants typique des collèges huppés comme Brice ou Apolline, font la morale à tout le monde, ils sont condescendant avec les autres gamins, avec leur professeur, ils font penser aux enfants du « Village des Damnés », ce vieux film d’horreur des années 60 ! L’emprise qu’ils ont sur les adultes fait sourire au début du film, puis beaucoup moins, puis plus du tout. Obsédés par les images de catastrophe, d’attentats, de pollution, ils font ensemble des exercices malsains pour repousser leur limite. On pense qu’ils se préparent à quelque chose mais quoi ? Leur parents sont complètement absents du film d’ailleurs, c’est une des incohérences du scénario. Des petites incohérences il y en a d’autres,
le vol de l’ordinateur jamais vraiment justifié ou expliqué, le suicide du professeur jamais vraiment éclairci non plus.
Le film ne donne pas toutes les clefs, il laisse le spectateur en plan sur quelques aspects. Le dernier quart d’heure du film propose un dénouement en deux temps. Le premier temps est tout d’abord un tout petit peu décevant, on se dit que c’était bien la peine de distiller le malaise comme cela pour une fin si tristement banale. Mais le second temps du dénouement, terrible, donne tout son sens au titre du film. Si l’on est un tant soit peu malin et observateur, on le sent venir, ce dénouement, mais il n’en demeure pas moins très flippant ! En résumé, Stéphane Marnier propose un film intéressant, (pas trop visionnaire j’espère) et qui colle indéniablement à l’air du temps. On ne s’ennuie pas, on angoisse, on se laisse envahir par un malaise diffus et la scène finale matérialise ce malaise de façon percutante, comme un uppercut. Sans avoir toute les qualités d’un chef d’œuvre du thriller, « L’Heure de la Sortie » est un film réussi qui mérite le déplacement.