Le meilleur film de Ruben Ostlund , le plus abouti, le mieux construit , celui qui aborde le plus de thèmes et bénéficie aussi d’un construction imparable, démoniaque, en trois actes. Le 1er acte une sorte de huis- clos d’un jeune couple amoureux, style « trend setteur », voir influenceuse pour la fille, qui sont dans un restaurant chic et qui vont polémiquer au sujet de qui doit payer l’addition. Ce qui paraissait anecdotique devient sociétal. Très vite cela dérape, et va poser la question de la parité, du rapport homme- femme, du désir, de la séduction, du rôle que doit tenir ,chacun dans son « genre ». C’est énorme c’est puissant et étouffant, interminable, stressant. Puis la libération au 2eme acte sur un yacht de luxe, on retrouve nos deux « young & rich » tout d’abord au soleil, le farniente, une réunion d’ultra riche. Tout y est : les excès, les discours lénifiant et snobs, l’argent comme Dieu suprême, mais très vite la réunion, « soft » dérive au cours d’un diner au caviar , et cela dérape dur , c’est « The party » de Blake Edwards , puissance 10, plus prêt de « la grande bouffe » de Ferreri, mais en version hilarante ,caricature absolue, grotesque, scatologique, on est plié de rire . Bien sûr l’allégorie « communisante » est claire, et on est proche d’une analyse « lutte des classes ». Mais le 3eme acte vient balayer tout cela et présente l’humanité sous un autre angle, celui de la survie en condition extrême. Il y aura bien thèse, antithèse et synthèse. La prise de pouvoir improbable par une employée philippine du « lumpen prolétariat », instaure la cruauté , la sauvagerie , la discrimination : l’instauration de sa dictature montre bien que le mal est plus profond , au-delà de la lutte des classes . Qu’il est en nous, en l’homme, en l’humain, bien enfouit, bien masqué par le vernis contemporain de la bien-pensance, mais qui revient à la première occasion. Et oui le constat fait par R. Ostlund est terrible : on est pas dans J.J. Rousseau , mais dans L.F. Céline . L’actrice philippine Dolly de Leon est formidable, la meilleure de l’équipe. La dernière séquence du film est exceptionnelle : un plan large, avec au fond une porte d’ascenseur, l’accès au rêve, au monde 5 étoiles, à la paix sur terre, avec la musique douce qui peut /doit nous entrainer vers la liberté , et puis en premier plan, la réalité, la possibilité de la monstruosité, de la bestialité qui sommeille en chaque humain. Tout est dit.
Une œuvre magistrale.