Prôner l'égalité et des valeurs profondes dans le monde ultra-concurrentiel et superficiel de la mode, pas de doute, il s'agit bien d'un film de Ruben Östlund, ce réalisateur suédois devenu maître dans la chasse aux paradoxes hypocrites de nos sociétés embourgeoisées (de la suédoise en priorité).
Les thèmes de prédilection de l'auteur sont une fois de plus abondamment traités : le rôle de chacun dans un couple, l'égalité de genres, la bourgeoisie coupée du monde réel, les barrières sociales impénétrables (dont celle des populations non blanches), le retour à l'animalité, etc.
Au fil de ses réalisations, Östlund a abandonné son style froid, lent, silencieux, fait de longs plans séquences parfois déstructurés pour aboutir à des prises de vues plus conventionnelles mais avec un sens de l'image et du mouvement parfaits. Le simple fait que le suédois ne soit plus la langue principale de la VO est un signe de cette internationalisation du cinéaste, à quoi s'ajoutent des dialogues plus longs, mieux construits et la présence de musiques additionnelles (modernes et classiques dont la magnifique Sonnerie de Sainte-Geneviève du Mont de Paris de Marin Marais). Si je trouve personnellement dommage de voir disparaître le style brut de ses premières réalisations, force est de constater que ce nouveau style lui va bien tant il en maîtrise tous les aspects. Film intelligent, ce Triangle of Sadness est aussi un très bel objet d'art... jusqu'à la moitié du visionnage.
En effet, après une heure d'une réalisation léchée, Ruben Östlund se lâche et c'est un autre film qui prend la relève, à la façon des films italiens des années '70
(difficile de ne pas penser à "la Grande Bouffe")
, un trait déjà esquissé dans The Square (la scène du "singe"), à la fois drôle et dérangeant, particulièrement provocateur.
La dernière partie, sur une structure narrative déjà vue (romans, films, séries), permet au réalisateur de nous proposer une expérience sociologique plus qu'intéressante sur le capitalisme, ses mesquineries égoïstes et le pouvoir.
On pourra juste déplorer que Ruben Östlund ne sache pas finir ses films et que c'est encore plus patent ici.