Sous un titre en apparence enfantin et innocent, Les Chatouilles aborde un sujet criminel et révoltant : la pédophilie.
Après le succès de la pièce de théâtre Les Chatouilles ou la Danse de la colère et l’obtention du Molière du seul en scène en 2016, Andréa Bescond s’engage dans le septième pour livrer le récit de son traumatisme d’enfance : les abus sexuels commis à son encontre par un ami intime de sa famille. Les Chatouilles est donc un drame autobiographique, une forme de thérapie et un récit engagé pour dénoncer les violences sexuelles commises sur les mineurs. Accompagnée de son conjoint dans ce projet personnel et délicat, Andréa Bescond réalise son premier film en se livrant à cœur ouvert et en racontant son douloureux parcours de rédemption. A travers l’exercice de sa passion, la danse, elle cherche à maîtriser ses démons intérieurs et à reprendre le contrôle de son corps, témoignant d’une volonté et d’un courage qui suscitent l’admiration.
Dans cette réalisation intime et engagée, Andréa Bescond a également souhaité développer des aspects délaissés par la pièce de théâtre, en abordant les dommages collatéraux sur ses relations et sa famille. Au sujet de cette dernière, on ne peut qu’être décontenancé face au déni exercé par la mère, magistralement interprétée par Karin Viard, qui a d’ailleurs reçu le César de la meilleure actrice dans un second rôle pour cette performance. Heureusement, la jeune femme peut compter sur un père dévoué et une psychologue altruiste qui feront tout pour l’accompagner dans sa quête de justice et d’acceptation.
Les Chatouilles est donc le récit d’un traumatisme, avec tout ce qu’il contient de douloureux et d’incompréhensible, mais également une déclaration d’amour à la vie, une invitation au bonheur et à la positivité grâce aux rêves et à la détermination d’une danseuse passionnée. Mais dans sa volonté dénonciatrice, Andréa Bescond commet quelques maladresses regrettables de mise en scène en basculant dans un style d’emphase. En mélangeant les rêves et la réalité ainsi que le passé et le présent dans plusieurs plans-séquence, la réalisatrice et actrice nous égare dans une fantaisie issue de son imaginaire qui, certes, révèle sa manière de se reconstruire, mais peut également dérouter. Ce qui est dommage car le résultat offre plusieurs scènes bouleversantes, dont une fin pour laquelle je n’ai pas réussi à retenir une larme. Le développement de ses relations personnelles reste l’un des points forts de ce long-métrage, réussissant le pari d’aborder une dimension absente de la pièce.
L’accueil du film est mitigé de la part du public, avec 370 000 entrées et des recettes de 2,8 millions d’euros qui ne suffisent pas à rentabiliser le budget de production de 3,4 millions d’euros. Mais du côté professionnel, Les Chatouilles se voit récompensé par deux Césars, dont celui de la meilleure adaptation, ainsi qu’une nomination au César du meilleur premier film et une sélection dans la catégorie « Un certain regard » du Festival de Cannes.