Excellent parce que satisfaisant à tout ce qu'on peut attendre d'un vrai grand film, du cinéma en général, illustrer, incarner de façon incandescente ce que les médias nous relatent avec la froideur et l'objectivité qui sont leur marque de fabrique, et leur honneur aussi:: en l'occurrence ici l'impensable existence de la pédophilie, là à côté de nous, chez nous, monstrueusement infligée à l'enfance par un ami de la famille, ignorée des proches qui ne voient rien par bêtise ou indifférence. Cet acte de trahison de l'adulte, qui va détruire tout l'édifice de confiance qui est nécessaire pour se construire, nous est ici révélé avec une sorte de clairvoyance hallucinée, puisque le film retrace le parcours d'Odette, sa thérapie, sa volonté de résilience jusqu'à l'effort ultime, la mise en accusation du criminel. La danse, son pouvoir d'exultation, libére le corps de ses insupportables tensions, mais pour surmonter la colère, le trauma, il faut aussi libérer la parole. Odette s'engage dans une psychothérapie, elle peut enfin livrer son écrasant secret et renouer avec l'enfant bafouée qu'elle a été. Le montage est à l'unisson de cet aller retour entre présent et passé, fantasmes et réalités, il est violent, saccadé et parfaitement maîtrisé. Les acteurs sont parfaits. Mention spéciale pour Karin Viard, décidément une très grande actrice. Elle joue ce rôle fondamental de la mauvaise mère, agressive, sûrement dépressive, dans une relation d'hostilité et de jalousie sans doute à l'égard de sa fille, d'autorité abusive à l'égard du père tendre et faible, et l'on sent bien que le poids de la culpabilité qui est la sienne et qu'elle refuse d'assumer va la consumer. C'est terrible. Le film a le mérite de donner aussi un visage à ce crime incompréhensible pour des gens "normaux". Le pédophile est un homme souriant, gentil et qui parvient à se persuader du consentement de sa victime tant on le sent dominé par ses pulsions contre nature. Il est l'incarnation absolue de l'immoralite, c'est à dire le fait de dénier la souffrance de la victime, de ne la percevoir qu'en objet de sa satisfaction sexuelle égocentrique. Est il réellement persuadé par son propre mensonge? Ce film nous fait plonger dans les abysses infiniment sombres de l'âme humaine, mais il est aussi un témoignage de vitalité qui devrait redonner courage à ceux que la vie aurait blessés d'une si cruelle manière.