Comment trouver le ton juste quand on choisit de mettre en scène ses propres traumatismes ? Qui plus est lorsqu’il s’agit de viols subis durant l’enfance, viols perpétrés par un « ami » qui avait su gagner la confiance des parents de la victime. On comprend que Andréa Bescond, aidée par Alex Métayer, ait éprouvé la nécessité d’exorciser, en quelque sorte, ses blessures et ses colères en les exprimant tout d’abord dans un spectacle scénique et, aujourd’hui, dans un film. Mais, encore une fois, comment parvenir à le faire sans jamais tomber dans l’outrance, sans jamais céder à un excès de pathos ?
Ce qui gêne, dans le film tel qu’il nous est proposé, c’est que tout se focalise sur la colère éprouvée par le personnage d’Odette (l’alter ego d’Andréa Bescond, jouée par Cyrille Mairesse quand elle apparaît en tant qu’enfant et par la réalisatrice elle-même quand elle apparaît en tant qu’adulte). Sa colère, dont il ne s’agit pas de contester la légitimité, envahit le film en dénaturant le jeu non seulement d’Andréa Bescond elle-même mais de plusieurs autres acteurs ou actrices (Karin Viard, par exemple, dans le rôle d’une mère terrifiante d’égoïsme). L’impression qui demeure tout au long du film, c’est que, nonobstant la gravité des faits dont il est question, beaucoup des intervenants du film en font trop, qu’ils exagèrent leur jeu.
Cela étant dit, il faut saluer quelques qualités de mise en scène d’un film abordant un sujet on ne peut plus inconfortable. Odette éprouvant une grande passion pour la danse, celle-ci intervient constamment pendant le film et de manière judicieuse, ouvrant des passages entre l’âge de l’enfance et l’âge adulte ou encore entre des séquences se déroulant sur une scène de théâtre et d’autres dans la rue. Le parcours d’Odette est ainsi évoqué, tout entier imprégnée de rythmes et de danses. C’est aussi par ce moyen que l’artiste exprime sa souffrance et sa révolte.
L’autre chemin de vérité se fait dans la relation qui se noue entre Odette et la psy à qui elle se confie. Bonne idée, peut-être, sur le papier, mais qui accentue la théâtralité du film, un peu comme si la thérapeute assistait en permanence à un spectacle organisé dans le but d’emporter son adhésion. Le film paraît donc à la fois très inventif mais presque démonstratif. De ce fait, alors que son sujet gravissime devrait provoquer chez le spectateur un surcroît d’émotion, on peut fort bien le regarder sans rien éprouver de tel. En abordant un sujet similaire, Catherine Corsini, dans « Un amour impossible », a, me semble-t-il, bien mieux réussi à transmettre des émotions, sans jamais recourir à de grosses ficelles de mise en scène, comme le font outrageusement Andréa Bescond et Éric Métayer.