Alice Winocour trace une voie assez singulière dans le paysage cinématographique français avec des films exigeants qui respirent une sensibilité féminine dans des univers à priori très masculins. « Proxima » ne déroge pas à la règle après l’intrigant « Maryland » et le plus austère « Augustine ». Néanmoins cette fois, en dépit d’une audace thématique et d’un déroulement carré, cette oeuvre est peut-être la moins réussie des trois alors qu’elle est peut-être la plus accessible. Enfin, une accessibilité toute relative, on reste dans du cinéma d’auteur qui ne plaira pas à tout le monde. On est en effet loin, très loin, de « Gravity » ou même le plus réflexif « Ad Astra ». D’ailleurs, avec son personnage féminin central omniprésent, le film pourrait avoir des accointances avec le chef-d’œuvre d’Alfonso Cuaron mais il n’en est rien. « Proxima » en est l’exact opposé. C’est un long-métrage anti-spectaculaire au possible qui se focalise davantage sur l’intime que sur l’aspect visuel cherchant à en mettre plein les mirettes. On pourrait à la limite plus le voir comme un prologue au long-métrage avec Sandra Bullock puisqu’ici on se concentre sur la préparation et non au voyage, le film s’arrêtant au décollage de la fusée là où on retrouvait Bullock dans l’espace dès le départ. Mais même si le film regorge d’informations instructives et intéressantes sur la préparation à un tel voyage, ce n’est pas non plus le sujet principal de « Proxima ». Non, ici on décortique surtout une relation basique et universelle, celle d’une mère avec sa fille. Et sur le combat intérieur de la première qui va devoir quitter la seconde pendant plus d’un an pour l’amour d’un travail pas comme les autres.
Porté par une Eva Green très investie et convaincante, « Proxima » parvient bien à nous faire ressentir le combat intérieur d’un personnage tiraillé entre son amour de mère et la passion pour son travail. C’est original sur ce point et bien analysé. En revanche, on arrive moins à palper la difficulté d’être une femme dans un milieu extrêmement masculin. Certainement que Winocour a voulu éviter les clichés de ce type de situation, mais on a l’impression qu’hormis quelques difficultés physiques évoquées, l’astronaute féminine fait jeu égal avec son pendant masculin. Ou alors est-ce le cas ? Difficile à dire tant cet aspect est effleuré. Mais ce sur quoi le long-métrage capote surtout, c’est bien l’émotion. La cinéaste garde sa mise en scène très austère, froide et épurée, un style qui collait tout à fait à ses deux précédentes réalisations mais qui s’accommode moins d’un tel sujet. Tout cela manque d’emphase et surtout on n’est jamais vraiment touché par la relation présentée à l’écran. On aurait aimé être ému mais cela n’arrive jamais, même quand on sent que dans certaines séquences c’était le but de la réalisatrice. Et la musique très discrète, qui rappelle parfois sur certaines notes l’inoubliable bande originale de « Interstellar » composée par Hans Zimmer, n’y peut rien. De plus, c’est un peu long à l’allumage et l’ennui pointe souvent par manque de péripéties, aussi intimes soient-elles. Un bien joli projet sur la note d’intention, de plus documenté comme il faut pour un réalisme indéniable, mais qui manque profondément d’affects.
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