Alice Winocour a bûché et ça se sent… presque ! J’aurais aimé que Proxima » rejoigne ma DVthèque mais il y a une séquence qui ne passe pas en ce qui me concerne. Celle où Sarah fugue de sa quarantaine pour honorer une promesse faite à sa fille Stella, âgée de 8 ans. Quelle maman merveilleuse ! Oh que c’est mignon ! Jamais, ô grand jamais, je n’aurais imaginé une seconde être sarcastique. Au risque de me répéter, jusqu’à ce moment du film, j’envisageais « Proxima » dans ma DVthèque. Pour une (des rares) fois, ce récit qui emmenait des cosmonautes dans la Station Spatiale Internationale ne relevait pas de la science-fiction. De plus, ce qui pourrait être considéré comme original, et sans pour autant spolier, le récit nous dispense du voyage, il s’applique à nous présenter l’entraînement. Au-delà des entraînements dans la centrifugeuse, dans la piscine et autres disciplines rigoureuses, Winocour nous présente le portrait d’une femme mère. De la difficulté de concilier une profession qui concerne que très peu d’élues et la maternité. Femme divorcée, femme de tête, Sarah est enthousiaste à l’idée de rejoindre l'ISS, et donc de voyager dans l’espace. Un rêve de gosse qui se réalise grâce à sa ténacité, à sa détermination, à son travail, à ses sacrifices. Seulement, cette femme qui est aussi mère doit lutter encore plus pour légitimer sa place dans un monde d’hommes, se révèle par moments fragile. Et c’est humain. Partir en mission durant un an dans l’espace, ce n’est pas partir en formation à l’autre bout de la France ou du monde. Partir dans l’espace c’est non seulement périlleux mais oblitère toute possibilité de consacrer un week-end pour rendre visite à sa petite fille ou la recevoir. Le jeu subtile d’Eva Green laisse entrevoir par instants une pointe de culpabilité. C’est laisser pour ne pas dire « abandonner » sa fille durant un an. « Proxima » ne s’intéresse pas seulement à ceux qui partent, « Proxima » parle aussi à ceux qui restent. A ceux qui ne peuvent pas suivre. Winocour interroge ou ne cesse de s’interroger sous les traits de Sarah. Mais s’interroge-t-on autant du côté des hommes ? Ils sont pères pour beaucoup. Un père tiraillé par la culpabilité, aussi infime soit-elle aurait été plus inattendu. Une mère préoccupée est d’un banal ! Sarah est tiraillée par ce sentiment de culpabilité, pas nécessairement sur sa mission d’un an qui va l’éloigner de la Terre, mais parce que cette mission qui l’accapare énormément ne lui laisse pas le temps d’être auprès de sa fille qui est en demande constante. Et cette demande la culpabilise. Même si sa fille est à même de comprendre la situation, Winocour n’oublie pas que sa fille a 8 ans, et comme tous les enfants qui sont censés comprendre peuvent par moments se montrer exigeants, voire capricieux. Seulement Winocour craque comme elle fait craquer son héroïne, Sarah. Winocour veut activer la fibre maternelle, fibre universelle afin que toutes les femmes se reconnaissent dans ce langage organique. Au lieu de dire « On ne fait pas toujours ce qu’on veut dans la vie », Winocour lance un message contraire à toutes les mamans : « Tenez vos promesses coûte que coûte, mères ! » Winocour se laisse aller à son fantasme, ainsi, Sarah,
à la veille de son départ pour la Station Spatiale Internationale, fuguera en pleine nuit pour amener sa fille voir la fusée sur son pas de tir !
Triste ! Jusque là le film présentait un sans faute, cette relation mère-astronaute-fille était captivante, la trame se suffisait à elle-même. Film réaliste poignant par moments et soudainement, Winocour saborde le réalisme pour lorgner durant quelques secondes du côté film d’aventure pour enfants niais.
A la faveur de la nuit, Sarah va déjouer la sécurité, on la voit faire des sauts de puce d’angle de bâtiment à angle de bâtiment, le souffle court. Quel suspens ! Par contre, après avoir vu la fusée,
Winocour se garde bien de nous relater le retour à la quarantaine, alors qu’il fait jour. Facilité de scénario digne d’un metteur en scène paresseux. Winocour a eu les autorisations de filmer dans Baikonour. C’est un véritable privilège. J’imagine les responsables de la Cité des Etoiles après visionnage du film : tournés en ridicules ! Mais non ! Rassurez-vous, Winocour voulait apporter un peu de romanesque. On sait très bien que c’est super cadré. En soit, on s’en fiche de Baikonour, ce n’est pas le plus important, le sujet central c’est cette relation mère-astronaute et sa fille. C’est beau. Ben voyons ! C’était déjà très poignant, il était inutile de greffer une aventure bidon. Tout le réalisme du film, son côté documentaire, indéniablement Winocour s’est bien documentée, s’effondre avec cette fugue irréaliste. Sarah pour qui j’avais non seulement de l’admiration, (j’admire tous les astronautes et autres cosmonautes) et de l’estime me déçoit terriblement. Non seulement, elle fait une faute professionnelle qui peut donner raison à Mike Shannon(Matt Dillon), à tous ceux qui mettent toujours en doute les capacités d’une femme, mère de surcroit, mais elle met en péril toute la mission ! Et pas seulement au sol. Ceux qui occupent la Station Spatiale. Certes, me direz-vous, il y a les doublures qui en principe doivent répondre immédiatement au remplacement. On comprenait très bien la difficulté de Sarah, et c’était suffisamment poignant, et cela aurait gagné en crédibilité si Sarah avait été mortifiée de ne pas avoir pu tenir sa promesse. Dommage. A moins que Winocour se soit inspirée d’un fait réel, une astronaute qui a fugué pour faire plaisir à sa fille. Dans ce cas, prévenir le spectateur sans pour autant dévoiler l’identité de l’astronaute. Mais tant que je n’ai pas la preuve, j’ai du mal à accepter sa démarche artistique. Malgré mon immense déception, je tiens à bien noter le film pour l’interprétation d’Eva Green, pour le sujet et une partie de la vision de Winocour.