Quand il s’agit de filmer des spationautes, les réalisateurs privilégient le temps de la mission, du voyage dans l’espace, plutôt que ce qui précède. C’est pour le choix inverse qu’a opté Alice Winocour. Ce n’est qu’à la toute fin du film qu’elle nous montre la fusée décollant de la base de Baïkonour pour un voyage spatial qui doit durer une année et dont on devine au cours du récit qu’il n’est pas sans risque. Or, à l’intérieur du module spatial, il se trouve trois astronautes, deux hommes et une femme, Sarah Loreau (Eva Green), qui est mère d’une petite Stella (Zélie Boulant-Lemesle), une enfant de sept ou huit ans, dont il faut donc qu’elle se sépare.
C’est comme s’il fallait couper une deuxième fois le cordon ombilical, sauf qu’il s’agit d’une petite fille qui est en âge d’exprimer ses réactions et qui, on le conçoit volontiers, a du mal à accepter que sa mère puisse la laisser pendant une durée si longue. Tout l’intérêt du film se concentre d’ailleurs sur ce point particulier. Les séances d’entraînement de Sarah ont certes quelque chose de spectaculaire, mais on ne peut les regarder sans ressentir une impression de déjà-vu. Même si les cinéastes préfèrent filmer le temps des voyages spatiaux, ils nous cependant déjà fait voir plus d’une fois des séances d’entraînement, cela n’a rien d’original.
Ce qui donne sa particularité au film d’Alice Winocour, c’est donc le regard de l’enfant. Comment faire comprendre à une fille de sept ou huit ans qu’il va lui falloir se séparer de sa mère ? C’est d’autant plus compliqué que celle-ci vit seule, séparée de son ex-mari, à qui il faut bien néanmoins confier la garde de Stella. Alice Winocour a, fort heureusement, évité toutes les scènes de pathos. Il lui suffit de peu pour faire ressentir la peine ou l’incompréhension éprouvées par l’enfant : son visage aux grands yeux interrogatifs, une séance de préparation sous l’égide d’une accompagnatrice dévolue à ce service, la mère et l’enfant séparées par une vitre…
Tout au long du film, on ne peut que s’interroger. Sarah est passionnée par son métier, elle désire depuis longue date effectuer un voyage spatial, on le comprend fort bien. Mais le fait d’être mère d’une enfant de huit ans ne devrait-il pas l’emporter sur toute autre considération ? La réponse est peut-être qu’il faut que la petite fille accepte que sa mère soit habitée par cette autre passion : aller vers les étoiles et la laisser, pour un temps, sur terre, elle qui est, elle aussi, une étoile (Stella) !